The Sword Identity
Le déplacement latéral qui ouvre The Sword Identity possède quelque chose de résolument old school, bienvenu en cette époque de faux volumes et profondeurs, stigmates encombrants d’une troisième dimension peu nécessaire au cinéma. Deux sabreurs, dotés de lames singulières, affrontent successivement les représentants de quatre écoles d’arts martiaux de la Chine côtière du XVIème siècle, pour obtenir l’autorisation d’ouvrir la leur. Échouant à fuir les flèches de la dernière école, l’un des sabreurs – le plus âgé – est mis aux arrêts ; tandis que le second, pris pour un pirate japonais en raison de l’apparence de sa lame, devient l’adversaire fuyant de la ville, mettant en échec maître après maître sans jamais se montrer, bien décidé à convaincre de la validité de la pratique de son arme. Dut-il jouer quelques tours, assisté de belles nobles et courtisanes, et humilier sagesse et traditions séculaires.
Étonnant parcours que celui de Xu Haofeng, dont le nom gravite autour de bon nombres de cinéphiles depuis que sa plume s’est mise au service de Wong Kar-wai et de ses Grandmasters. Héritier d’une longue lignée de maîtres, Haofeng a étudié les arts martiaux et le Taoïsme pendant six ans une fois son cursus de cinéma terminé. Romancier reconnu, bien décidé à rajeunir le rayonnement des arts martiaux dans la littérature et à l’écran, Xu Haofeng adapte avec The Sword Identity l’un de ses propres récits, pour livrer une œuvre atypique, western oriental entiché de patience et de sagesse martiale, mais tout autant enclin à la parodie pince-sans-rire.
Exit les effets de mise en scène racoleurs et autres voltiges câblées : The Sword Identity contraint son action à une rigueur d’autant plus évidente que les bords mêmes de l’image, souvent désireuse de s’étendre en un Scope refusé, s’imposent en butées aux combattants à l’écran. Tenant beaucoup du théâtre, The Sword Identity joue son drame restreint – à peine plus d’une nuit de tromperies – sur une poignée de scènes à l’horizon limité, se plait à affirmer la bienséance de ses décors épurés et fonctionnels, refroidis par une cinglante désaturation. Rien ne doit détourner l’attention du spectateur de la répétition d’un geste trompeur, du son des lames qui s’entrechoquent, des jeux d’ombres et de lumière (un certain retour à l’essence du cinéma), de la sacralisation du geste réfléchi. Des ressorts qui sont autant respectueux que comiques, et créent une ambiance singulière, presque déroutante, à l’écran.
Si The Sword Identity peut du coup paraître un tantinet schizophrène – même les combats naviguent entre l’esquisse authentique et le comique improbable, ainsi que l’illustre l’ultime affrontement du film – il n’en reste pas moins fascinant, d’autant qu’il se plaît à satisfaire aux canons de l’épopée martiale, condensant Histoire, romance, quiproquos et portraits de sagesse autour de son étrange lame droite. Xu Haofeng faiblit, un peu, en matière de rythme, mais sa façon de faire fait finalement écho à celle de son héros têtu : son exécution est peut-être imparfaite, mais son art, intelligent, divertissant, et empli d’une sagesse à l’encontre de l’esbroufe contemporaine, impose sans peine sa pertinence.
The Sword Identity a été présenté en compétition officielle au cours de la 33ème édition du Festival des 3 Continents (Nantes, 2011).





