Tokyo G.P.
Tokyo by night à la Ishii...
Deux amis, Hiro et Zeebra, sont embarqués malgré eux dans un jeux mortel ; ils en sont les pions et Tôkyô le macabre échiquier. Quant aux commanditaires...
Tourné en video [1], ce onzième film de Takashi Ishii m’apparaît comme une sorte d’étape dans la carrière du réalisateur ; crossover entre le film de cinéma et le direct to video, Tokyo G.P. est avant tout un film d’une noirceur impressionnante, qui condense toute sa violence dans cinquante-deux minutes ultra rythmées.
... et Tôkyô créa Ishii... à moins que cela ne soit l’inverse. Takashi Ishii aime Tôkyô, ça je crois que c’est indéniable, mais sa vision de la mégalopole nippone est à mille lieues de tous les clichés touristiques ancrés dans l’inconscient collectif occidental. Vous le savez certainement déjà [2], mais l’univers Ishiien est reconnaissable par bon nombre d’ingrédients désormais devenus une marque de fabrique de l’artiste nippon. Mais dans Tokyo G.P., Ishii ouvre une brèche dans son monde, pour s’intéresser à un Tôkyô à la fois identique et différent de celui qu’il a l’habitude de nous montrer, un Tôkyô plus proche de son époque, ancré dans une réalité beaucoup moins onirique... mais plutôt cauchemardesque, je m’explique ; Takashi Ishii est LE cinéaste japonais féministe, dans le sens de la femme forte. Dans Gonin (1995), chef-d’œuvre de perfection cinématographique, les personnages principaux du film n’étaient que des hommes, on pouvait alors y voir une sorte d’évolution dans son œuvre... malgré tout, Ishii étant Ishii, Gonin comportait bon nombre d’éléments féminins sans pour autant mettre en scène des femmes... Pirouette habile de son auteur qui se retrouvait dans son univers tout en donnant l’impression de s’en éloigner. Suivirent quatre films axés sur des personnages féminins (Gonin 2, Kuro no Tenshi vol.1 & 2 et Freeze Me)... puis un beau jour d’août 2001, Tokyo G.P. sort sur les écrans nippons...
Cette fois, Ishii nous entraîne - du moins le croit-on ! - dans l’univers des D.J. et de la scène underground tokyoïte nocturne... ça, c’est uniquement pour les quelques première minutes d’introduction, pour ne pas parler de secondes. Très vite, les "héros" se retrouvent confrontés à un étrange problème ; ils doivent retrouver un ours en peluche caché quelque part s’ils ne veulent pas qu’un de leurs amis soit tué... Rapidement le film tourne au cauchemar, pour n’en ressortir que de la manière la plus radicale qui soit...
La structure de Tokyo G.P. est double : à la fois celle d’un jeu video et celle, peut-être plus difficilement perceptible, d’un conte ; ses protagonistes gravissent étapes par étapes (des "stages" tout au long desquels ils rencontrent ennemis, "aides", etc...), plus ou moins difficilement, jusqu’à arriver au but de cette quête improbable... Le tout est ponctué par les apparitions d’un MC ou plutôt d’une sorte de Monsieur Loyal, fardé d’un déguisement de Sailor Moon rembourré ( !). Ca, c’est pour la partie jeux video, car celle que j’ai qualifié plus haut de "conte" est matérialisée par quelques rares apparitions d’un DJ gaijin qui nous narre tout simplement les aventures de nos compères malchanceux.
Tokyo G.P. puise très certainement ses sources dans des films tels que The Most Dangerous Game (Les chasses du Comte Zaroff de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel /1932) ou plus récemment Le Prix du Danger (Yves Boisset /1983 - adaptation de la nouvelle de Robert Sheckley, "The prize of peril", publiée en 1958) ou son remake américain The Running Man (Paul Michael ’Starsky’ Glaser /1987), tout en se créant un univers propre, beaucoup plus noir que ceux des films sus-cités (quoi que dans son genre, The Most Dangerous Game est quand même pas mal !), le côté fantastique ayant disparu au profit du réalisme.
Tokyo G.P. est encore un bel exemple de film anti-hollywoodien. Totalement dénué de morale ou encore d’une quelconque illusion sur la nature humaine, il assène le spectateur d’une violence concentrée jusqu’à son dénouement, lui non plus sans fausse surprise, puisque de toutes façons inévitable. Les plus forts sont ceux qui ont le pouvoir, un point c’est tout. Quant aux autres...
DVD | KSS Films | Zone 2 | NTSC | Format : 1:1:85 - 4/3 (Grrrrrrr !!!!!) | Images : Bonnes... mais le film avait vraiment tout à gagner d’un transfert anamorphique. | Son : Un 5.1 puissant. | Suppléments : 13 minutes au total, réparties en un making of un peu pauvre ainsi que la video promotionnelle du film.
Ce DVD ne comporte pas le moindre sous-titre.
Site Officiel: http://www.kss-movie.com/tokyo-gp
[1] C’est le deuxième film qu’Ishii tourne entièrement en video, l’autre étant Gekka no Ran (1991).
[2] Cf. articles des dix précédents films de Takashi Ishii.


