Tokyo Marigold
Eriko Sakai (tu m’étonnes, surtout en ce moment ! - désolé) est une jeune tokyoïte que l’on pourrait aisément qualifier de désœuvrée. Sortie de l’université, elle recherche un emploi et décroche un job d’assistante/secrétaire dans une petite entreprise. D’un naturel boudeur, elle enchaîne activités et inactivité avec une nonchalance déconcertante, et qui pourtant ne trompe personne. Miyashita, un ami qu’elle avait perdu de vue et qui travaille désormais dans le milieu de la publicité, lui propose un petit rôle dans un spot visant à promouvoir les bienfaits sociaux du baseball - rôle qu’elle accepte avec la même indifférence que tout le reste. Un soir, Eriko est conviée par Konako, une de ses collègues, à un dîner hors du commun : organisé par l’une des entreprises les plus en vues du moment, le repas a pour but avoué d’offrir à un certain nombre de jolies jeunes filles l’opportunité de rencontrer l’élite montante de la nation. Repas, puis karaoke - une soirée finalement banale au cours de laquelle Eriko fait la connaissance de Tamura, un employé timide dont elle tombe plus ou moins amoureuse. Seul hic à ce début de relation, Tamura a déjà une petite amie, partie pour un an étudier aux USA, en Californie. Quoiqu’il en soit, Eriko demande tout de même à Tamura si celui-ci veut bien vivre avec elle jusqu’au retour de son amie...
Tokyo Marigold est l’un de ces films surprenants qui ne racontent finalement qu’une histoire très simple, mais qui puisent toute leur force dans l’amour qu’ils portent à leurs personnages. Ici, l’objet de notre affection est incarné par Eriko (l’incroyablement touchante Rena Tanaka), jeune femme au visage songeur, toujours en attente d’une tristesse en devenir.
L’histoire du film se résume parfaitement par les deux premières phrases du film : "Je ne me sens pas si seule que ça. En fait, j’aime assez être toute seule." Tout au long de sa relation avec Tamura, Eriko se contente d’un demi-bonheur qu’elle sait éphémère, comme ces marigolds (soucis) qui poussent dans le jardin de sa mère. Et pourtant, on a souvent l’impression que cette relation pourrait fonctionner si les deux protagonistes ne l’avaient pas condamnée d’avance. En s’imposant d’entrée de jeu une échéance, Eriko rentre dans le jeu éminemment japonais de l’inexorable - attitude qui lui donne néanmoins la force (souvent confondue en Occident pour une passivité) de surmonter les obstacles que la vie place sans arrêt sur son chemin.
Jun Ichikawa filme les évolutions mensongères de Eriko et Tamura avec une pudeur que l’on devine honnête, justifiée par un véritable respect de ses personnages et des émotions qui les motivent, par un amour de la vie et des gestes amoureux, mais aussi des relations humaines en général. Cette attention se caractérise par des gros plans qui ne portent pas que sur les visages, mais aussi sur des gestes, sur deux mains qui se serrent pour symboliser l’acte amoureux (assurément l’une des scènes d’amour physique les plus pertinentes du cinéma moderne, avec celle jouée en regards du pourtant immonde Meet Joe Black), sur une posture résignée. Souvent, Ichikawa rompt le traditionnel jeu de champ/contrechamp qui rythme un dialogue face à face en s’attardant sur les réactions des personnages non pas aux phrases prononcées par leur interlocuteur, mais à leurs propres déclarations. Cet outil d’analyse rarement utilisé sur grand écran a pour effet de nous immiscer au plus profond des personnalités d’Eriko et Tamura, garantissant au film une profondeur narrative que son synopsis ne pouvait laisser envisager.
Nostaglique par anticipation, Tokyo Marigold fait partager au spectateur le poids des déceptions qu’il met en scène avec une douceur remarquable. Juste ce qu’il faut pour ancrer une tristesse optimiste en nous, et garantir au film une pérennité que ses soucis partagent, paradoxalement, avec leur côté éphémère. Comme bon nombre de moments de la vie, finalement.
Tokyo Marigold est disponible en DVD zone 2 japonais, chez Bandai Home Video. Copie anamorphique au format, magnifique, accompagnée d’une bande son stéréo sans défauts. Sous-titres anglais optionnels (et bienvenus !), parfaits eux aussi. Le tout accompagné de moult suppléments (interviews, trailers, etc...), malheureusement non sous-titrés.

