Trilogie Musashi
La Légende de Musashi, Duel à Ichijoji et La Voie de la lumière, réalisés par Hiroshi Inagaki entre 1954 et 1956, retracent les principaux épisodes qui ont forgé la légende de l’un des plus célèbres samouraïs japonais, Myiamoto Musashi.
Le cinéaste adapte les romans de Eiji Yoshikawa, extrêmement populaires au Japon, mais qui ont aussi connu un succès certain en Occident. Le succès de cette trilogie et la célébrité de Myiamoto Musashi, attireront rapidement l’attention des milieux du cinéma. Sa vie a ainsi fait l’objet de plusieurs adaptations sur grand écran, dont l’une des plus connues est celle de Tomu Uchida, qui lui a consacré 6 films. Hiroshi Inagaki refait, mais cette fois-ci en couleur, une trilogie qu’il a mis en scène au début de la Seconde Guerre mondiale sans pouvoir l’achever.
Myiamoto Musashi manque son rendez-vous avec la gloire et l’histoire : il arrive à la fin de la bataille de Sekigahara et son camp a été défait. De retour dans son village, le jeune chien fou sème le désordre. Seul, le moine bouddhiste Takuan Sōhō, en l’attachant entre ciel et terre, puis en l’enfermant plusieurs mois dans une pièce remplie de livres, parvient à l’amadouer. Assagi, il prend la route avec une seule idée en tête, affiner sa technique en défiant d’autres maîtres d’armes, avant de se rendre compte de l’inanité de cette voie. Amoureuse du bretteur, Otsu l’attend, armée de sa seule patience.
Une fois reconnue l’évidence qu’Inagaki n’a pas la classe de son collègue du studio Toho, Akira Kurosawa – mais peu peuvent s’en vanter - il faut reconnaitre au cinéaste un savoir-faire certain accumulé au cours de 25 ans de carrière au moment où il réalise cette trilogie.
A nos yeux, ces films, grandes productions de l’époque – elles ont droit à la couleur quand au même moment Akira Kurosawa tourne Les 7 samouraïs en noir et blanc - pourront sembler désuets, mais ne manquent pas de charme. Les deux métrages possèdent comme atout, la présence Toshiro Mifune dans leur casting.
Ce dernier est l’acteur idéal pour jouer Myiamoto Musashi grâce à sa puissance de jeu. Quelle énergie il dégage dans la première partie consacrée à sa jeunesse turbulente et rageuse avant de dominer l’écran par sa prestance lorsqu’il incarne le samouraï aguerri. L’acteur est aussi réputé être un excellent kendoka.
Inagaki dispose d’amples moyens pour faire revivre cette époque. La photographie a le charme de ces autochromes pris au début du XXème siècle au Japon, mais aussi des estampes, dont il s’inspire pour les cadrages. Cette superproduction nous fait voyager dans les lieux célèbres du pays en compagnie du célèbre bretteur : passage devant le mont Fuji, chute d’eau de Shiraito... Mais j’ai surtout été bluffé par le travail sur les costumes : la diversité de la couleur des étoffes et de leurs motifs semble infinie.
La mise en scène de la plupart des combats pourra sembler surannée aux spectateurs actuels. Le cinéaste est pourtant au rendez-vous dans les plus importants : le combat à 50 contre un au temple d’Ichijō et le duel final avec Sasaki Kojiro. Je regrette cependant qu’il ne mette pas assez l’accent sur la technique qui fait la spécificité de Myiamoto Musashi et contribuera à le rendre célèbre. Contrairement à la tradition, il utilise deux sabres : ni-to ichi. Elle est visible pour la première fois lorsqu’il défait, Shishido Baiken, spécialiste du kusarigama [1]. Cette capacité d’innovation, dirions-nous actuellement, est l’un des élément contribuant à sa célébrité.
Jidai Geki sur le plus célébré des samouraï japonais, ces trois films retracent son parcours initiatique : sa quête de l’art du sabre devient celle de l’art de vie. « La voie du sabre est la voie de l’homme », explique un moine à Myiamoto Musashi. Hiroshi Inagaki met l’accent sur la seconde. La plupart des principaux tournants de sa vie sont orientés par des moines bouddhistes, auxquels viendra se joindre une courtisane, qui tombera amoureuse de lui. Un samouraï accompli n’est pas seulement le meilleur combattant, mais un homme dans toutes ses dimensions. Même savoir accepter l’affection qui lui est portée, épreuve sans doute la plus difficile pour un guerrier.
La Trilogie Musashi ressort sur les écrans français le 4 août dans une version restaurée grâce à Carlotta Films.
Article initialement paru le 3 août 2021.
[1] Il est constitué d’une faucille, dont l’extrémité du manche opposée à la lame était attachée à une chaine avec un boulet à son extrémité.









