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Bhoutan | Festival du film asiatique de Deauville 2004 | Rencontres

Tsewang Dendup

"Une fois qu’un film a été réalisé, ce sont les spectateurs qui en détiennent les droits."

La présence de l’acteur principal du film bouthanais Voyageurs et Magiciens, Tsewang Dendup, a apporté une bouffée de fraîcheur au festival du film asiatique de Deauville. Professionnel le mieux habillé du festival, ce n’est pas un hasard si c’est Kenzo himself qui lui remis le prix du public décerné au film. Journaliste devenu acteur par hasard, il nous raconte cette première expérience.

Sancho : Vous êtes journaliste de profession ; comment êtes-vous devenu acteur ?

Tsewang Dendup : Je filmais le réalisateur [1] lors d’une cérémonie, alors qu’il donnait sa bénédiction à une foule de 27 000 personnes au Bhoutan. Il m’a fait mander par son assistant et m’a demandé si je voulais participer au casting. Mais je travaille toujours comme journaliste.

Les autres acteurs de Voyageurs et magiciens sont-ils des professionnels ?

Non, aucun d’entre eux ne l’est. Par exemple, les personnes qui tirent à l’arc au début du film sont des habitants du village. De même que le marchand de pommes qui fait de l’auto-stop est un véritable marchand de pommes, et il ne savait pas qu’il jouait dans le film. D’ailleurs, je crois que c’était lui le meilleur acteur, l’ "actors’ studio" vous savez. Le chef de l’administration du village est Colonel dans la Garde Royale.

Vous avez fait des études de journalisme à Berkeley ; avez-vous eu un rêve américain comme votre personnage ?

Non, c’est l’ironie, je ne voulais pas rester là-bas. J’aurais pu rester un an de plus après mes études, mais je suis reparti tout de suite. J’aime les États-Unis : le jazz, les musées, le basket, les films bien sûr, et ils font de très bons documentaires. Mais bon, il faut dire ce qui est bien et ce qui est mal, c’est à chacun après de faire son choix. Je n’avais pas d’illusions, je ne voulais pas rester là-bas. Je ne voulais pas travailler à la cueillette des raisins et des pommes...

Il y a trente ans, les jeunes occidentaux partaient pour le Népal, l’Inde. Et il semble que maintenant ce soit l’inverse, qu’en pensez-vous ?

Je pense que c’est un phénomène global. Ainsi Les jeunes français partent avec leurs sacs à dos en Inde pour voir de vrais jungles et non pas celles de béton. Nous, nous vivons dans de vrais forêts, mais nous voulons aussi voir les lumières de la ville. L’idée qui sert de point de départ à Voyageurs et magiciens est que l’herbe est toujours plus grasse de l’autre côté. C’est seulement lorsque l’on se trouve de l’autre côte, que l’on s’aperçoit que ce n’est pas vrai.

Comment s’est déroulé le tournage sur les routes himalayennes ?

C’est la première fois que j’assistais à la réalisation d’un film. Le tournage a été difficile ; comme il n’y avait pas d’électricité, il fallait utiliser un générateur. Ce que j’ai trouvé étrange, c’est qu’il y avait plus de personnes derrière la caméra que devant - ce que bien sûr on ne voit pas dans le film. Jouer a également été difficile car on ne montre pas ses émotions au Bhoutan. Quand je vais voir mon père par exemple, lorsque nous nous séparons il ne va pas m’étreindre. Il vit au sommet d’une montagne, et il va simplement me regarder descendre, prendre le bus, puis suivre le bus des yeux.

C’était la principale difficulté pour vous ?

Oui, mais le réalisateur m’a beaucoup encouragé. Il m’a juste dit, "Fais ce que tu penses être le mieux, et si je n’aime pas je te le dirais, sinon on continuera". J’ai été inspiré par le marchand de pommes. Il était très naturel, il a été mon modèle.

Que retirez-vous de cette expérience ?

J’ai beaucoup aimé tourner ce film. Il est très important, il vous dit que votre pays est au moins aussi important, aussi intéressant que les États-Unis. Le personnage principal explique qu’il n’y pas de bar, pas de restaurant, pas de cinéma, mais il y a la famille, la communauté.

On s’en aperçoit lorsqu’il quitte le village et qu’une femme veut lui offrir un thé, puis du fromage de yak, qu’il va jeter pour se retrouver sans rien à manger plus tard.

C’est ce qui arrive quand vous abandonnez vos racines, votre culture. Votre culture vous manque. Les bhoutanais ont plusieurs leçons importantes à tirer de ce film, je ne sais pas ce qu’il en est pour les spectateurs français. Surtout en cette période de globalisation. Vous n’avez pas besoin de traverser l’océan.

Comme les gens ont-ils réagi au film au Bhoutan ?

Beaucoup de gens ont pensé qu’il n’était pas achevé (la fin du film est ouverte NDLR), parce que nous avons l’habitude de regarder des films de Bollywood. Il y a un homme et une femme, ils sont amoureux et les parents n’aiment pas cela, ils ont des problèmes, mais à la fin ils se marient et sont heureux. Mais selon moi, une fois qu’un film a été réalisé, ce sont les spectateurs qui en détiennent les droits.

Interview réalisée à Deauville le 12 mars 2004 par l’équipe de SdA en association avec Elan-Films.

[1Khyentse Norbu est également un religieux, un Lama.

- Article paru le lundi 19 avril 2004

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