Tuer
Kill, kill, kill !
Fils d’une mère exécutée pour avoir assassiné la concubine d’un seigneur pour le bien du clan, Shingo a été élevé sans connaître sa véritable origine par un samouraï de rang inférieur, Takakura. Cette sombre histoire le rattrape devenu adulte, après un voyage initiatique de 3 ans. Touché par un nouveau drame, il devient un samouraï errant avant de se mettre au service de Matsudaira. Ce dernier est chargé par le Shogun de remettre dans le rang les clans opposés à la présence d’étrangers sur le sol japonais.
Tuer s’inscrit dans une tendance du film de sabre japonais des années 60 - dont le représentant le plus célèbre, et à juste titre, est Hara-kiri de Masaki Kobayashi – qui dynamite la mythologie des samouraïs. Le gouvernement militaire japonais s’en est servi pour manipuler la population japonaise au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Si Kenji Misumi se trouve derrière la caméra, le scénario a été écrit par un autre cinéaste ayant réalisé quelques perles au cours de cette décennie : Kaneto Shindo. Son engagement à gauche est bien connu et 6 ans plus tard, l’héroïne de Kuroneko envoie ad patres des samouraïs.
Sans surprise également, le metteur en scène de L’île nue fait la part belle dans son histoire aux femmes. Elles sont sans peur et sans reproche. De part leur droiture, les femmes sont bien plus admirables que les samouraïs. L’ambition de Shingo est d’essayer - vainement - d’être à leur hauteur. Les femmes sont au centre des plus belles séquences de Tuer, dont le sacrifice d’une sœur, qui sauve son frère en offrant littéralement son corps à la lame de ses adversaires.
Si Masaki Kobayashi dénonçait la vacuité de la philosophie du bushido, Misumi et Shindo soulignent l’inutilité des talents des maîtres épéistes. Les qualités de bretteur de Shingo, qui confinent pourtant au surnaturel, ne lui seront d’aucune aide pour sauver ceux qu’il est censé protéger. Dans l’une des plus belles séquences du films, qui comporte quelques belles pièces, Shingo ouvre frénétiquement les portes coulissantes d’un palais vide à la recherche de Matsudaira tombé dans un piège. Malgré les dons de Shingo pour le combat au katana, le cinéaste souligne ainsi une nouvelle fois son impuissance. De la même manière qu’il n’a pas pu sauver son premier père de substitution, il n’a pu éviter l’assassinat du second.
Les combats sont très courts, et se dénouent le plus souvent en un coup de sabre. Pas question de démonstration martiale ; la botte secrète de Shingo laisse d’ailleurs rêveur. La mise en scène du film est à l’aune de cette ascèse. Aucun gras au cours des 71 minutes que dure le film, qui progresse par ellipse. Kenji Misumi apporte cependant aux combats une dimension poétique.
Tuer est disponible en 4K dans un coffret distribué par The Jokers, comprenant également 3 autres films de Kenji Misumi : Zatoïchi, le masseur aveugle, Le Sabre et La Lame diabolique. Ces deux derniers et Tuer constitue le cycle du sabre du cinéaste japonais




