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Japon

Un Yakuza contre la meute

aka Ando-Gumi Gaiden Gunro no Keifu - Tale of Scarface | Japon | 1997 | Un film de Eiichi Kudo | D’après le roman de Noburo Ando | Avec Kiyoshi Nakajo, Nagare Hagiwara, Ken Kaneko, Masato Furuoya, Miho Nomoto, Noriko Hamada, Hideo Murota, Tonpei Hidari

Errance, rédemption, destin tragique ou pathos incontournable.

Komoro vient de sortir de prison. Il retourne voir le clan auquel il appartenait, le clan Akita. Maintenant dédommagé, il est sommé de prendre quelques jours de vacances, lorsqu’une fusillade éclate. Komoro est le seul à garder son calme ; calme qu’il gardera tout au long du film quoiqu’il advienne.

Bien que Komoro vient de passer 14 ans derrière les barreaux, il n’est toujours pas apaisé, et va s’efforcer de comprendre ce qui s’est passé. Comment a-t-il pu abandonner sa femme et son nouveau-né ? Pourquoi un tel choix ? L’Honneur ? Le Destin ?

L’honneur ne suffit pas pour qu’un yakuza puisse vivre.

Komoro marche, erre, se laisse convaincre de suivre une prostituée mais n’arrive pas à la satisfaire. Fortuitement, il fait la connaissance d’un jeune maquereau (celui de la demoiselle) qui est accessoirement son voisin de pallier. Plus tard au cours de cette errance, il retrouvera son ex-femme, son fils, avant de se retrouver lui même.

Souvent jumelé, lors de ses passages câblés, avec Onibi [1], dont le héros n’est autre que Yoshio "Captain Banana" Harada, Gunro no Keifu est un film noir, dans le sens le plus friedkinien - voire le plus mannien (Friedkin et Mann) du terme.

Gunro no keifu est l’histoire d’un homme qui vient de passer quatorze années de sa vie en prison : "14 ans pour me reposer !". Loin d’en tenir rigueur à qui que ce soit, il n’attend qu’une chose : se remettre au travail. D’ailleurs il ne se sent pas encore opérationnel : il a besoin d’une mission. Komoro est un yakuza vieille souche, à l’intérieur duquel respect et honneur sont entrelacés ; à la destinée similaire d’un héros de Fukasaku. Le parallèle est plus que certain puisque le scénario est adapté d’un roman de Noburo Ando, qui a collaboré de près avec Fukasaku à plusieurs reprises en tant qu’acteur : Jingi no Hakaba (Le Cimetière de la morale /1975), Gendai Yakuza Hitokiri Yota (Yota le pourfendeur /1972), Bakuto gaijin butai (Guerre des gangs à Okinawa /1971), Nihon Boryuku-dan Kumicho (Le Caïd de Yokohama /1969).

"Frère une mort vaine ne serait tienne
Toi qui es le dernier de la famille
Et le plus chéri de nos parents."

A 45 ans donc, Komoro replonge dans l’enfer du banditisme. La Mafia reste toujours la Mafia. Les clans veulent supplanter les autres clans ; pour ce faire ils recrutent et recrutent sans cesse, jusqu’à pouvoir renverser le clan rival. Et pour parvenir à ce renversement, quelle meilleur solution que d’avoir une taupe dans le camp opposé pour semer la tempête ? Tokyo a peut être changé en 14 ans, mais s’il y a quelque chose d’immuable au sein d’un clan, c’est l’ambition. Aussi quand Tonomura, le numéro 2 du clan Akita est tué, c’est Komoro qui devient le numéro 1, au grand dam de Shinyo, dont la duplicité ira jusqu’à tromper Komoro et signer son arrêt de mort. La réintégration/réinsertion de Komoro dans le clan Akita est plus que compromise.

Pourtant malgré tout ce qu’il lui arrive, Komoro ne cède jamais à la colère. La rage, la colère et la violence sont canalisées et transcendées par le jeune Mano, dont le souhait le plus cher est de devenir yakuza. Toujours la même vieille histoire humaine après tout, devenir quelqu’un. Komoro passera tout le film à réfréner les pulsions de Mano. Mais l’imprévisibilité de Komoro inquiète décidément beaucoup trop les clans respectifs, fraîchement unifiés.

"Frère nos parents t'ont-ils appris à manier l'épée pour tuer
T'ont-ils élevé pendant 24 ans pour que tu deviennes un assassin
Et meurs en vain."

Si chaque être vivant possède un passé lourd de traumatismes, le futur de Komoro est bien plus funeste que son passé.

Le réalisateur vétéran Eiichi Kudo s’est entouré de l’impassible Kiyoshi Nakajo surtout employé dans les direct to video tel que Daisan no gokudô (1995) qui connaîtra deux suites - Shin daisan no gokudô - boppatsu Kansai gokudô sensô (1996). Son calme constant nous apaise, et la fureur dont il fait preuve n’en est que plus violente. A ses côtés, nous avons la joie de revoir Ken Kaneko (Kids Return) avec à son bras la très jolie Miho Nomoto, à la poitrine refaite et donc parfaite (ni trop grosse, ni trop petite, bien ronde, qui tient dans la main quoi !!) ; à noter que le couple qu’ils forment tous deux reste très attachant de par sa description digne de Mishima.

C’est la sculpturale Noriko Hamada qui tient le rôle complexe de l’infirmière criblée de dettes, à cause de son drogué de mari. Abandonnée par son époux, elle doit élever seule sa fille, supporter l’alcoolisme de son patron ; mais malgré tout elle trouve la force de surmonter ses soucis, aidée certes par Komoro.

Passons de l’autre côté de la barrière : les ennemis. Tout d’abord l’ambigu Shinjo, ancien bleu à l’époque de l’emprisonnement de Komoro et qui est maintenant devenu le numéro 3 du clan Akita. Nagare Hagiwara donne littéralement ses traits à ce pervers personnage. Hagiwara a participé au Hakkenden de Kinji ; a rencontré Yusaku Matsuda dans Arashi ga oka (1988) et tient le rôle titre des trois Sagishi ippei.

Le chef du clan Sanyu et comploteur est interprété par le regretté Masato Furuoya, jeune héros des Disciples d’Hippocrate, qui nous gratifie de deux scènes pour lesquelles il ne sera filmé qu’au travers d’une fenêtre. Enfin, car un bon film ne saurait s’affranchir d’un caméo de luxe, le rôle du vieux chef du clan Akita est confié à l’inénarrable Hideo Murota, lui aussi vu dans Guerre des gangs à Okinawa et dans le parfait Okami to Buta to Ningen, tous deux signés Kinji. Disparu en 2002, il participa à plus de 70 films et téléfilms, dont Kuro no Tenshi et Shinde mo ii de Takashi Ishii.

Gunro no keifu n’est certes pas un film ambitieux, mais il est réussi et prend une ampleur quasi biblique.

En VHS chez moi et sous-titré français.
En VHS édité par ???, toujours sous-titré en français.

DVD japonais édité par InTheMood à un prix défiant toute concurrence : 2500 yens.
Au programme un pressage un peu just, voir raté. Pas de sous-titres sur cette édition.

Au niveau des suppléments deux bandes annonces et un spot TV. Et quelques images de l’équipe et une interview sur le pouce d’Eiichi Kudo, lors de la présentation du film au Festival International de Vienne (le tout filmé par une équipe d’Ocean Shores sans doute !!).

[1Gunro no Keifu est sorti en salles chez nous en même temps que trois autres films : l’étonnant Onibi de Rokuro Mochizuki, Chinpira de Shinji Aoyama et Minbo no Onna du regretté Juzo Itami.

- Article paru le lundi 14 juillet 2003

signé Takeuchi

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