Wizard of Darkness
Il était temps : Taki Corporation offre enfin aux fans de la série des Eko Eko Azarak une alternative à la cassette pirate diffusée par VSOM et consorts, en ressortant les deux premiers films en DVD. Bien sûr, les galettes tant attendues ne comportent aucun sous-titre... mais est-ce une raison suffisante pour bouder le plaisir procuré par la découverte (ou redécouverte, c’est selon) de Wizard of Darkness, premier film de la série avec Kimika Yoshino dans le rôle de Misa Kuroi ? Si vous avez répondu oui à cette question, c’est qu’il vous manque une certaine quantité d’informations - lacune que cette ébauche d’article devrait vous aider à combler...
Pour ma part, cela faisait plusieurs années que j’attendais de pouvoir mettre la main sur une édition officielle de Wizard of Darkness. La raison de cette attente ? J’ai tout simplement beaucoup entendu parler de la série au fil de mes années d’intérêt pour 1) le cinéma d’exploitation 2) le cinéma asiatique 3) le sympathique minois de Mlle Yoshino (cf. photos, ça devrait motiver quelques-uns d’entre vous à poursuivre votre lecture).
Ayant enfin pu accéder au troisième long-métrage de la série grâce à l’édition très "pressée entre les fesses" (©Kuro) distribuée aux USA par Media Blasters, j’ai été à la fois surpris et déçu. Surpris car Misa the Dark Angel est très sombre, voire malsain par moments, et parvient à installer une ambiance remarquable. Un peu déçu car le rythme du film est globalement inégal, sa structure instable. Mais continuons... Il y a quelques temps de cela, mon penchant déraisonnable pour Natsuki Kato m’a amené à acquérir le sobrement nommé Ekoeko Azarak, quatrième opus "cinéma" de la série, cette fois réalisé en DV. Bien m’en a pris, car le film est une authentique réussite - double quand on considère le peu de moyens avec lesquels le projet à dû être réalisé ; triple si on considère la prestation de Natsuki Kato, certainement sa meilleure à ce jour... en attendant le quatrième Gun Crazy ?
Ma connaissance de la série s’est donc forgée de manière un tantinet bâtarde, à coup d’avis rapportés et d’opportunités aléatoires de visionnage. A l’heure d’aujourd’hui, il me reste encore à me nourrir du second épisode - Birth of the Wizard, toujours avec Kimika Yoshino -, mais surtout à dénicher la série télé (point de départ du troisième film, avec lequel la série partage la seconde interprète de Misa, Hinako Saeki [1]), ainsi que les nombreux tomes du manga d’origine. Car oui, derrière tout cela il y a bien évidemment un manga, signé Shinichi Koga et datant des années 70. Quand je vous dis que ma connaissance de cet univers s’est construite de manière aléatoire...
Bien, voila une bonne chose de faite, inutile et par conséquent parfaitement indispensable, comme qui dirait... Nous voici donc en 1995, à l’heure des débuts sur grand écran d’une aidoru très en vogue à l’époque, Kimika Yoshino (peut-être avez-vous déjà mémorisé ce nom, vu que c’est sa quatrième apparition depuis le début de l’article). Les gens font la queue devant les salles qui projettent Eko Eko Azarak - Wizard of Darkness, première mise en scène au Japon de Shimako Sato (Tale of a Vampire avec Julian Sands, USA /1992), non pas réalisateur mais... réalisatrice ! La différence est de taille, mais peut-être n’êtes vous pas à même d’en convenir pour l’instant.
Le rideau se lève sur la course haletante d’une jeune femme, en fuite d’un poursuivant invisible. Le montage de cette séquence nous aide à comprendre que la demoiselle est victime d’un rituel en cours d’exécution ; alors qu’elle reprend sa respiration, adossée à l’enceinte d’un chantier, l’infortunée se prend une poutre métallique au travers du crâne... [Applaudissements]
Le générique accompagne l’arrivée de Misa Kuroi dans son nouvel établissement scolaire. A l’entrée de celui-ci, un intendant douteux profite de ses responsabilités pour abuser violemment des attributs de la jeune Kazumi Tanaka (Kanori Kadomatsu - la série des All Night Long). L’un des nouveaux camarades de Misa, adepte de magie, nous apprend d’emblée que le meurtre pré-générique était en fait le dernier d’une série de cinq, visant à dessiner une étoile à cinq branches à l’échelle de la ville - étoile au centre de laquelle se situe le lycée de notre héroïne.
Ce jeune homme à l’instinct occulte développé, a par ailleurs pour occupation de tenter des sortilèges à l’aide de poupées approximatives - ce à quoi Misa semble être bien plus douée que lui, puisqu’elle parvient sans problème (contrairement à lui) à "fluidifier le transit" de notre obsédé sus-cité, en guise d’avertissement. Lequel obsédé ne manque pas, sur la route des toilettes et en dépit de ses soucis intestinaux, de se gargariser en douce devant les ébats de Shirai (Mio Takagi - Guinea Pig 2 : Notre Dame no Android), la maîtresse de Misa, et de Kazumi, coquine décidément dans tous les bons coups - si vous me permettez l’expression...
Mais revenons à nos pratiques occultes ; lorsque l’obsédé "maudit" décède, une partie de la classe de Misa se retourne contre elle, autour du jeune adepte bafoué. Pourtant, quelque chose laisse entendre au spectateur que ce serait plutôt vers la belle Shirai qu’il faudrait chercher des preuves de culpabilité... Cette intrigue est cependant momentanément éclipsée lorsque la professeur à tendance lesbienne décide de n’imposer un contrôle écrit qu’à 13 élèves de sa classe ; parmi lesquels bien sûr Misa et sa "prétendante", Mizuki Kurahashi (Miho Kanno - Tomie, Hypnosis... et Dolls !), mais aussi un certain nombre de détracteurs de notre jeune sorcière. Alors que Shirai et Kazumi partent de nouveau goûter aux plaisirs de la chair dans leur coin, l’une des élèves décède dans d’étranges circonstances. Puis c’est carrément au tour de cinq autres étudiants de trouver la mort dans des explosions sanguinolentes inexpliquées, alors que notre groupe se rend compte qu’il est piégé au sein de l’école...
Comme les autres films de la série des Eko Eko Azarak que j’ai pu voir jusqu’à aujourd’hui, Wizard of Darkness puise sa force dans sa capacité à pervertir le concept de film d’horreur adolescent, pour l’emmener sur le terrain du malsain et de la violence. Dans un premier temps très orienté "fan service" en dépit d’être réalisé par une femme (il suffit de voir le casting redoutable d’aidorus "généreuses" de tout âge pour s’en rendre compte), Wizard of Darkness ne lésine jamais sur le gore ou les concepts apocalyptiques (la superbe conclusion du quatrième opus avec Natsuki Kato lui fait en cela très largement écho) pour parvenir à ses fins : emmener le spectateur, doucement mais sûrement, sur le terrain de l’horreur et du fantastique purs.
Si le film commence très brutalement - et surtout très graphiquement - avec le "coup de la poutre", s’en suit une demi-heure plutôt calme, principalement axée sur les affections/antagonismes qui se créent autour de l’arrivée de Misa dans son nouveau lycée. Nous avons cependant droit à quelques scènes fantastiques - au cours desquelles les aptitudes magiques de l’héroïne sont exprimées de façon fulgurante - et bien entendu à un quota honorable de laisser-aller lesbien, aussi gratuit que bienvenu. Confortablement installé, le spectateur ne se doute du coup pas forcément de la tournure que va prendre le film...
Une fois les 13 élèves piégés dans l’enceinte de l’établissement en effet, Wizard of Darkness entre définitivement dans le terrain de l’horreur. La réalisation cède à la panique, les effets gore deviennent omniprésents dans l’expression appuyée d’une violence aussi soudaine qu’ahurissante. Le point culminant de cette seconde partie intervient avec la possession du jeune adepte de magie par un esprit maléfique, accompagnée de rasoirs et de gorges tranchées, sans concessions... A plusieurs reprises, Wizard of Darkness atteint des sommets (graphiques et conceptuels), et parvient à surprendre le spectateur en raison du contexte global de ces débordements, par ailleurs parfaitement intégrés à la narration. Dans sa dernière partie enfin, Wizard of Darkness vire plus ésotérique - et surtout plus franchement fantastique -, et change une nouvelle fois le terrain de jeu du film en transcendant la dimension simplement satanique du combat de Misa, notre Ange Noir préféré ; dernière preuve que Shimaki Sato a vraiment plus d’un tour dans son sac, et qu’elle ne compte aucunement installer une routine prévisible, de mise en scène ou de schéma narratif.
Ce rattrapage tardif et tant attendu a donc tenu toutes ses promesses : le film de Shimaki Sato est étonnant, astucieux, effrayant, violent, gore, original, généreux... Wizard of Darkness est l’exemple parfait de ce que les réalisateurs japonais - et en l’occurrence une réalisatrice, totalement vouée à notre cause !!! - parviennent à faire, en l’absence de moyens véritables mais à la force d’un amour communicatif pour l’horreur et l’exploitation. A mi-chemin entre le mainstream et le v-cinema dans lequel la série œuvre aujourd’hui, Wizard of Darkness s’impose comme une réussite aussi complète que significative : sa vision rend plus évidente bon nombre d’emprunts de films d’exploitation fantastiques nippons des dernières années.
Quand le plaisir coupable rencontre la démarche culturelle, le cinéma de genre prend vraiment tout son sens, c’est moi qui vous le dis !
Wizard of Darkness est disponible en DVD japonais, édité par Taki Corporation / Gaga Communications.
La copie est propre mais ne parvient pas à dépasser le faible niveau de l’image d’origine. La bande-son en stéréo, par contre, est de bonne qualité.
Au niveau des suppléments, on retrouve le trailer du film, un making of d’époque, ainsi que la conférence de presse datant de la sortie du film au Japon.
"Ce DVD ne comporte pas le moindre sous-titre", comme dirait Kuro.
Wizard of Darkness est disponible seul, ou dans un box comprenant les deux premiers films de la série - vous en saurez plus en lisant l’article sur Birth of the Wizard !
[1] Ceux qui liront l’article sur Misa the Dark Angel verront que j’étais à l’époque un peu dur envers ce troisième opus, qui place Hinako Saeki (interprète de Sadako dans Rasen, vue par ailleurs dans Uzumaki avec une "coupe en spirales" époustouflante) dans le rôle de Misa. Je peux aujourd’hui légitimer ce sentiment plus facilement : Kimika Yoshino, ainsi que Natsuki Kato d’ailleurs, renforcent l’ambiguïté de ton inhérente à la série, en étant à la fois mignonnes et... très chagasses. Hinako Saeki quant à elle, est beaucoup plus sombre, violente - presque trop mature pour correspondre aux nombreuses variations du personnage de Misa. Peut-être une Misa moins ambigüe correspond-elle plus à l’esprit de la série télé ?




