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Japon | Festival du film asiatique de Deauville 2007 | Rencontres

Yoshihiro Nakamura

"...je voulais montrer à travers mon film, l’évolution du processus de rapprochement intervenant entre les deux enfants, détachés des contingences sociales."

Le réalisateur et scénariste Yoshihiro Nakamura, davantage loué pour son habileté scénaristique à offrir d’heureuses variations au film de fantômes japonais post Ringu, dont The Booth (2005) et surtout Dark Water (2005), dont il est scénariste, en sont les meilleurs exemples, livre avec Route 225 un touchant portrait de l’enfance confrontée à la disparition, dans une oeuvre poétique aux accents fantastiques et comiques d’une douceur subtile. La rencontre avec ce fidèle assistant de Yoichi Sai (Blood and Bones, Quill, Doing Time...) et ex-assistant de Nagisa Oshima sur L’Empire des Sens, promettait quelques révélations sur un film cachant plus d’un mystère.

Sancho : Quelle est la part d’interprétation personnelle que vous avez mise dans l’oeuvre ? Vous donnez volontairement peu d’explications aux événements, notamment la disparition des parents...

Yoshihiro Nakamura : Tout d’abord je tiens à préciser qu’il s’agit de l’adaptation du roman de Chiya Fujino [1]. Lorsqu’on m’a contacté pour la réalisation, le script était déjà pratiquement écrit. Aussi mon interprétation de l’histoire a commencé sur le tard du projet. Au début j’ai commencé moi-même à vouloir chercher le pourquoi de la disparition soit des parents ou de celle des enfants, ce qui d’une certaine façon m’empêchait de filmer. Du coup j’ai voulu éviter de vouloir absolument trouver des explications à ces événements. Dans la vie quotidienne au Japon ou ailleurs, il y a quantité de disparitions de proches dont on ne connaîtra jamais les raisons et qui restent sans explications. Par ailleurs, je ne voulais pas accabler ce jeune couple (les parents) de raisons particulières à avoir agi de la sorte, ou d’avoir été exposé à cette situation.

Vous avez travaillé au scénario de Dark Water d’Hideo Nakata, un film sur la séparation familiale. Ce thème semble très présent dans votre oeuvre.

Initialement ce n’était pas un thème qui me préoccupait particulièrement mais c’est à cause des projets que les producteurs m’ont proposé comme Dark Water, que je m’y suis finalement intéressé.

Outre l’aspect fantastique de l’oeuvre, il me semble que l’originalité de votre film réside dans la légèreté que vous adoptez dans le traitement d’un sujet grave. Était-ce votre parti pris initial ?

Pour ma part, l’essentiel au niveau du parti pris, était qu’il fallait que Daigo et Eriko, le jeune frère et sa soeur aînée, se retrouvent à l’écart de la société dans laquelle ils évoluent habituellement. Dans la société contemporaine, une soeur de 14 ans et un jeune frère de 13 ans ont a priori peu de points communs, et finalement tout pour se déplaire. Ceci je l’ai constaté moi-même, ayant une soeur aînée. Les relations entre frères et soeurs sont alors davantage faites d’antagonismes et d’oppositions du fait du poids des conventions sociales qui pèsent sur eux. Hors je voulais montrer à travers mon film, l’évolution du processus de rapprochement intervenant entre les deux enfants, détachés des contingences sociales. Le mode de la comédie me semblait aussi assez approprié pour montrer cela.

Maintenant que vous en parlez, on devine que vous avez eu une soeur aînée, surtout dans la façon subtile dont vous traitez leurs rapports. Comment s’est déroulée votre collaboration avec les deux jeunes acteurs du film, Mikako Tabe (Hinokio, Ao Zora No Yukue, Yoru no pikunikku) et Chikara Iwata ?

Pour le rôle de Daigo, le frère, nous avons auditionné plus d’une centaine d’enfants et je l’ai choisi car il me faisait rire lorsqu’il lisait son texte. Lorsque j’avais lu le roman original j’avais moi-même beaucoup ri. Mais j’ai dû convaincre les producteurs qui n’avaient pas du tout imaginé le rôle de Daigo comme un gamin un peu enrobé, mais plutôt comme un enfant chétif et maigre. J’ai donc dû vivement insister pour l’imposer à la production.

En préparation du tournage nous avons beaucoup répété avec eux. On a fait une semaine entière de répétitions. Curieusement au début tous les deux ne s’entendaient pas du tout. En réalité ça m’arrangeait, car cela apportait davantage de réalisme à l’histoire. Le problème c’est que l’histoire se termine d’une certaine façon par leur rapprochement et une fraternité forte. Aussi mon assistant et moi-même les emmenions souvent au restaurant lors du déjeuner, mais cela ne faisait qu’empirer les choses. Finalement on a commencé le tournage et ce n’est que lors des deux derniers jours qu’ils ont fini par se rapprocher.

Leur jeu semble très naturel, leur avez-vous laissé une part d’improvisation ?

Non absolument aucune. Tout était très écrit mais on a beaucoup travaillé en amont. Ce sont réellement d’excellents comédiens.

Auparavant vous avez été assistant-réalisateur de Yoichi Sai (Doing Time, Quill), qui joue l’oncle des enfants dans le film. Comment s’est passé ce changement de position entre vous ?

Tout d’abord Monsieur Sai est quelqu’un de très droit, strict, et très discipliné. Au départ nous avions prévu un autre acteur pour jouer ce rôle. En fait toute mon équipe, mon assistant-réalisateur, mon décorateur, mon chef opérateur, mon ingénieur du son, on a tous été assistants sur les tournages de Yoichi Sai, donc on s’est tous retrouvés ensemble en se disant pour plaisanter, que cela serait amusant qu’il soit dans le film. Puis en relisant le scénario, on s’est rendu compte qu’il correspondait au personnage de l’oncle qui est le premier adulte qui apparaît dans le monde parallèle des enfants et qui représente l’autorité morale et la rigueur. Grâce à son charisme il permettait au film de prendre une autre tournure, dans sa seconde partie, celle ou les adultes interviennent dans le monde des enfants.

La route 225 a-t-elle une symbolique particulière ?

En fait le mot à une double signification. En japonais lorsque l’on prononce “ruto” cela signifie aussi bien route que root (racine carrée en français). Lorsque j’ai demandé à l’auteur original quel en était le sens, il n’a pas voulu me répondre. Par ailleurs, √225=15, l’âge qu’atteint la jeune Eriko au cours du film. J’ai donc interprété à ma façon le sens du titre en y mettant un peu des deux. Cette route existe à Kagoshima, mais on n’a pas pu aller filmer là-bas, on a donc reconstitué le panneau sur le lieu de tournage dans les environs de Tokyo.

Votre film m’a rappelé d’une certaine façon les films de Nobuhiko Obayashi, et notamment Toki wo Kakeru Shojo (1983), dans votre approche de l’adolescence et du monde parallèle, même si esthétiquement vos univers sont totalement différents.

En fait on ne s’est jamais connu et nous ne sommes pas proches, mais on est diplômés de la même université et j’ai moi-même intégré le ciné-club que Monsieur Obayashi a fondé. J’aime évidemment beaucoup ses films même s’il ne sont pas une source d’inspiration directe. Autre point commun, le producteur de mon film est aussi celui de Tenkôsei (1982) de Nobuhiko Obayashi.

Interview réalisée le 30 mars 2007 lors du 9ème Festival du Film Asiatique de Deauville. Tous nos remerciements à Léa Le Dimna pour la qualité de sa traduction, et à Aka6T pour une partie des photos.

[1Romancière japonaise née à Fukuoka en 1962, et ayant reçu le prestigieux prix Akutagawa en 2000 pour Une promesse d’été, est réputée pour écrire sur des personnages marginaux et hors-norme, avec humour et subtilité, usant d’un style simple, de mises en scène surprenantes et proches de l’absurde. C’est dans l’esquisse de l’ambiguïté des êtres et des situations qu’elle excelle. Une écriture sans doute influencée par sa transsexualité ; son premier roman Gogo no jikanwari, avait un transsexuel pour héros. Son roman Route 225 est traduit en français et disponible aux éditions Thierry Magnier.

- Article paru le lundi 16 avril 2007

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