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Japon

Zebraman 2

aka Zebraman 2 : Attack the Zebra City - Zebraman 2 Vengeful Zebra City - Zebraman Zebra City no Gyakushu - ゼブラーマン2 / ゼブラーマン ゼブラシティの逆襲 | Japon | 2010 | Un film de Takashi Miike | Avec Show Aikawa, Riisa Naka, Guadalcanal Taka, Naoki Tanaka, Tsuyoshi Abe, Masahiro Inou, Mei Nagano

(Don’t) kill your idols.

Nous sommes en 2025 et Tokyo, rebaptisée Zebra City, est sous le joug d’un dictateur et scientifique fou, Shinzo Aihara, qui s’appuie sur la musique de sa fille Yui, Zebra Queen sans rayures blanches, pour séduire les foules et asseoir sa domination. Une domination qui tient plus de la lobotomie marketing que de la politique totalitaire ; quoiqu’elle s’étende de façon armée, chaque jour à cinq heures du matin, pendant la Zebra Time - cinq minutes au cours desquelles la Zebra Police est libre d’exécuter quiconque croise son chemin. C’est au cours d’un tel couvre feu, parfaitement arbitraire et sonorisé par Zebra Queen, que Shinichi Ichikawa, feu Zebraman aux cheveux blancs, amnésique et dénué de pouvoirs, est laissé pour mort par l’escadron d’Aihara. Recueilli au sein de la White Horse House dans le giron de quelques récalcitrants, Ichikawa est remis sur pied par l’un de ses anciens élèves. Au contact d’une enfant, Sumire, qui porte en elle les traces de l’invasion extra-terrestre du premier opus, Ichikawa retrouve une partie de ses pouvoirs, super héros parfaitement blanc. Et décide de prendre part à la rébellion menée par l’acteur qui, fut un temps, endossait sur petit écran le costume de Zebraman, afin d’empêcher Zebra Queen d’étendre son influence à l’ensemble de la planète...

Si Zebraman n’avait pas été japonais, fils légitime de Takashi Miike et Kankurô Kudô de surcroit, on aurait été en droit d’attendre de sa suite qu’elle confirme la transformation d’Ichikawa en super héros populaire, la force incarnée de ses rêves et frustrations trouvant écho en la reconnaissance des foules. Nouveaux pouvoirs, nouvelles responsabilités, peut-être l’hésitation de la légitimité face à une nouvelle menace... autant de lieux communs du superhéroïsme qui seraient passés à la moulinette du tokusatsu nostalgique et affectueusement attardé, non sans un plaisir certain. Le duo terrible du cinéma nippon pseudo-mainstream toutefois, a décidé d’abattre une carte inattendue, opposant Ichikawa à l’écueil du fantasme assouvi. Et si, confronté à l’insatiabilité populaire japonaise en matière d’idoles, Ichikawa perdait sa faculté à devenir Zebraman, refusant de céder à la vulgarisation de ses rêves au travers d’une forme, inconsciente, d’impuissance superhéroïque ? Qu’importe : la brèche ayant été ouverte, un produit intelligemment dérivé, même partiel, éclipserait sans peine l’original, le peuple ayant soif de son image et de son exploitation. Zebraman 2, plutôt que de célébrer Zebraman, brandira la menace de son accession, en tant que produit abandonné à la consommation, à la célébrité et l’idolâtrie. Et Zebra Queen sera ce produit dérivé (la part noir d’Ichikawa, isolée par une centrifugeuse dans les mains de l’opportuniste Aihara), dont Ichikawa, instigateur involontaire et majoritairement oublié, n’aura pu sécuriser les droits d’exploitation.

On comprend aisément dès lors, pourquoi Show Ichikawa, loin de la complexité faussement infantile du premier opus, n’incarne plus dans les rues de Zebra City que l’ombre de lui-même, somme monochrome d’hébétudes qui pâlit devant l’interprétation tout en fan service, fantastique, de Riisa Naka. Ichikawa n’est autre qu’un produit dépassé et dénué de conscience commerciale, ostracisé au fil du temps par sa propre imagerie érigée plan marketing, dérivé et appliqué à l’échelle d’une ville entière. Zebra Queen est la part de Zebraman qui aurait accepté de souiller ses rêves au profit de la seule popularité, ainsi que l’illustre l’utilisation de la Zebra Time pour éliminer les idoles qui menacent sa suprématie Jpop. Là où Miike et Kudô surprennent, c’est que, dans un soucis de cohérence, ils subordonnent leur film à cette même suprématie : en musique ou simplement en présence, Zebra Queen règne en maîtresse, quelque peu fétichiste, sur Zebraman 2, elle-même déclinée dans ses zebra-sbires et autres Mini-Skirt Zebra Police. Comme si, finalement, le réalisateur et le scénariste avaient joué le jeu de la sequel sans avoir envie de le jouer, peu désireux de voir leur grand enfant nostalgique et rêveur, ode singulière à la volonté, occuper plus de place que de raison dans la cinéphilie collective. Proud to commit commercial suicide, comme le proclamait Nailbomb en son temps. Même si le dénigrement n’est que temporaire : malin, Miike célèbre in fine deux figures plutôt qu’une.

Non content de placer leur action quelques quinze années dans le futur, Miike et Kudô semblent avoir décidé d’accroitre d’autant l’âge du public plus ou moins ciblé par le premier opus. Zebraman 2 est un édifice adulte et froid (l’image numérique est superbement éclairée en ce sens), qui se complait dans une violence latente et un fétichisme rampant, obnubilé par un star system au féminin. Pourtant, sans doute contaminé par son grand écart constant entre un cinéma adulte et un autre, plus jeune – quand il ne confronte pas directement les deux, comme dans l’incroyable Yatterman – Miike ne peut s’empêcher d’abuser de bruitages à la Troma à chaque fois qu’Ichikawa, incrédule, cligne des yeux, ou de regarder ses extraterrestres gélatineux géants péter sur leurs victimes. Mais il attend pour ce dernier exploit, que Zebraman, le vrai, reprenne un peu ses droits sur l’histoire, qu’il devient du coup légitime d’infantiliser.

Dans les derniers instants de Zebraman 2, Miike et Kudô fusionnent Zebra Queen et notre Zebraman tout blanc, décident d’accepter la part d’ombre de leur métier, pour créer non pas le héros dont ils ont besoin, mais bel et bien, à la manière de la conclusion de The Dark Knight, celui que le Japon mérite : la fusion quelque peu schizophrène de rêves encore vigoureux, et de la toute puissance commerciale. Un symbole qui définit parfaitement le cinéma de Miike aujoud’hui, qui doit trouver au sein de blockbusters subordonnés à l’idolâtrie du moment, lieu où s’exprimer et se maintenir en vie. Avec un avertissement toutefois : tel Zebraman, gonflé comme une montgolfière après l’absorption de son ennemi et s’envolant du coup dans l’espace, il se peut que la digestion de cet entertainement totalitaire devienne, à terme, impossible, écartant définitivement nos rêves et affections. Enjoy this, while you can.

Zebraman 2, qui a été diffusé en France il y a peu au cours de la cinquième édition de Kinotayo, Festival du film japonais contemporain, n’est pour l’instant disponible qu’en DVD et Blu-ray au Japon, sans sous-titres.

- Article paru le samedi 18 décembre 2010

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