Le voici donc le 100ème film de Sho(w) Aikawa en
tant qu'acteur principal. Si vous n'êtes pas au courant, c'est que
certainement Takashi Miike autant que Show Aikawa vous sont totalement
inconnus (et a priori une bonne partie du cinéma japonais contemporain),
et que d'autre part vous ne vivez pas Japon. En effet, ces dernières
semaines, pas une seule journée sans que la télévision consacre
quelques minutes à ce nouveau rôle zébré de Show Aikawa. Mais à
côté des efforts déployés par ce dernier pour nous vendre les produits
dérivés signés de son nom (la marque Show Aikawa) tels cette
magnifique serviette de bain ou ce bloc note sur lequel est inscrit
"Show Lonely River" - soit la traduction littérale de son nom -,
qu'en est-il vraiment de ce nouveau film de Miike qui met en scène
Zebraman, seul véritable héros en chair et en os au milieu
des adaptations à venir de manga ou d'anime, au nombre
desquelles Sailor Moon, Casshern, Atom Boy,
Ninja Hattori-kun, Devilman, Cutie Honey, et
j'en oublie certainement.
Takashi Miike reprend donc un héros de la fin des
années 70 (plutôt éphémère) nommé Zebraman, héros
masqué comme la télévision japonaise en connaît tant. Mais pour
être exact, Zebraman est tout sauf un remake, ni même
une adaptation à proprement parler. Il s'agit plutôt, à l'instar
de Returner
(je sais, il y a mieux comme comparaison), d'un mélange plus
ou moins avoué de divers films revus à la sauve Miike, et ce plus
sur le ton de la comédie que de l'action.
Cependant, Takashi Miike ne tombe pas dans le piège de la facilité
avec un film qui alignerait les plaisanteries éculées sur les super
héros, remixant allégrement San Ku Kai et Power Rangers
façon parodique. Sa peinture du super héros n'est d'ailleurs pas
ce qu'il y a de plus intéressant dans Zebraman. Elle est
en effet très classique, le personnage même du super héros étant
extrêmement archétypal. Pour aller plus loin, on pourrait même dire
que l'ensemble du film et le traitement effectué sur le thème est
très loin de représenter une quelconque nouveauté, bien au contraire.
Et c'est justement là que le talent de Miike agit. C'est dans sa
manière de reprendre à son compte un genre cent mille fois exploité
qu'il se montre souvent le plus talentueux (d'Audition
à You've Got a Call en passant
par le remake The Happiness of the Katakuris).
Zebraman n'échappe pas à cette recette magique concoctée
de main de maître par un Miike en pleine forme, accompagné par un
Sho Aikawa qui ne l'est pas moins.
Le résultat n'évite donc pas les poncifs mais
sait aussi apporter ses petites touches typiquement "miikiennes",
qui font de Zebraman un film à la fois très divertissant
et pas si idiot que ça. Pour situer un peu l'ambiance, voici Shinichi
(Show Aikawa) un professeur d'école fan de Zebraman,
un héros télévisé de son enfance, qui accueille un jour dans sa
classe Shinpei, un enfant paraplégique, qui partage la même passion.
Ajoutez à cela que son fils est victime de brimades de la part de
ses camarades du fait justement du métier exercé par son père, que
sa fille défie son autorité, se prostituant à l'occasion, et que
sa femme le trompe. En somme du Miike tel que l'on en a l'habitude
(cf. Visitor Q) ! Shinichi
va finalement se prendre au jeu du super héros et lorsque confronté
à de belliqueux, gluants et verdâtres aliens, va se découvrir
de véritables pouvoirs. Précisons aussi que nous sommes en 2010,
dans un Japon dont les rivières sont envahies par des hordes de
Tama-chan (vous savez cette otarie dont les japonais se sont
pris de passion affectueuse).
Les références, Zebraman les alignent sans
complexes : Hidden, Blade Runner, Superman,
Zorro, Gojira, Ghostbusters, Devilman,
Ultraman, The Blob, Mars Attacks!, Ringu
et j'en passe. Tout cela ne serait guère passionnant s'il n'y avait
pas d'autres subtilités. Ainsi l'ensemble est-il un rêve, un délire
de scénariste (voir l'étrange relation qui lie les Zebraman
anciens et nouveaux, que je ne vous dévoilerai pas ici pour ne pas
vous gâcher le plaisir). Les clichés (le parallèle entre
Shinpei tentant de marcher et Zebraman de voler) côtoient
les délires hilarants (entre autres, un ringard Homme-crabe particulièrement
réussi, une séduisante Zebranurse, une Sadako échappée de
Ringu particulièrement
en forme, etc.), comme pour mieux brouiller les pistes. En fait,
Zebraman est finalement assez proche dans l'esprit, du film
Mars Attacks! de Tim Burton avec son humour décalé et son hommage
à la bonne vieille SF de papa. Miike y ajoutant ici la thématique
du super héros. D'autant plus que le film n'est pas totalement exempt
d'un petit discours critique. Entre le coup des méchants qui ne
le sont que parce qu'ils sont sous l'influence des aliens
(et donc des étrangers), le discours sécuritaire de certains
protagonistes (les profs font des rondes pour chercher les élèves
pratiquant l'école buissonnière) et les problèmes d'intégration,
Miike parvient à placer discrètement son petit laïus critique sur
la société japonaise contemporaine. Il y a également, comme dans
Visitor Q, The
Happiness of the Katakuris, voire Audition
et finalement bien des films de Miike, une certaine volonté de défendre
la famille et un certain mode de vie, qui se trouve souvent transcendée
par un événement extérieur.
Sans énormes surprises mais avec humour et talent,
Takashi Miike offre un film de divertissement en évitant l'écueil
de l'abus d'effets spéciaux digitaux, et prouve définitivement qu'il
ne suffit pas de deux-trois belles gueules et d'effets spéciaux
à gogo pour faire un bon film divertissant et malin : il faut avant
tout un scénario et un bon sens du second degré.