The Legend of Speed
Le Dieu de la route... c’est ainsi que l’on surnomme Sky, pilote aggressif torse nu sous son blouson de cuir, idole des jeunes et roi des courses clandestines. Avec sa petite amie Kelly sur le siège passager, Sky accepte les défis de pilotes wannabees avec insolence, pariant non pas de l’argent, mais par exemple la jambe du perdant. Ainsi un jeune pilote se fait-il massacrer le genou à coups de clé à la suite d’une défaite ; mais pas n’importe quel pilote puisqu’il s’agit du frère de Tang, actuellement derrière les barreaux, et pour beaucoup véritable Dieu de la route. Lorsque Tang sort de prison, il s’empresse de défier son usurpateur. Une course que Sky aborde avec négligence, rejetant les conseils de son ami Panda, ingénieur de génie mais adolescent légèrement attardé dont la soeur est éprise de Sky, qui le met en garde contre les réglages poussifs de son bolide. Evidemment ça ne rate pas : Sky sort de la route avec l’ « aide » de Tang, et Kelly meurt dans l’incendie qui suit l’impact. Poursuivi par la police, Sky s’enfuit alors en Thaïlande, où il espère bien retrouver son père, le Noiraud, légende du mileu automobile underground qu’il croyait jusqu’alors décédé...
Cela peut paraître étonnant mais si vous m’aviez demandé, il y a vingt-quatre heures, ce que je pensais de The Legend of Speed, je vous aurais certainement répondu qu’il s’agissait d’un gros navet. Rapidement vu à sa sortie en 1999, le film ne m’avait en effet laissé aucune trace, qu’elle soit positive ou négative ; la sortie du film en DVD dans l’héxagone courtesy of CTV, me donne l’occasion de revoir ce jugement brutal. Je n’irais pas jusqu’à hurler au chef-d’œuvre, loin s’en faut, mais mon discours à l’image du film, se retrouve à la fois plus mesuré et plus paradoxal.
Car The Legent of Speed en lui-même, est un paradoxe étonnant. Celui d’un réalisateur, Andrew Lau, alors messie du nouveau blockbuster HK bardé d’effets - spéciaux et spécieux - et de bons sentiments, qui s’en retourne au film « réaliste » empli pour pour le coups de sentiments pour le moins douteux. Plus proche d’un épisode de sa saga Young and Dangerous que d’un A Man Called Hero - ce qui n’est pas un mal d’ailleurs - The Legend of Speed est un film qui, s’il n’est finalement pas si neutre qu’il avait pu me le sembler à la première vision, possède tout de même autant d’atouts que de défauts. Une certaine idée du juste milieu me direz-vous ; soit, mais il s’agit alors de celui, amoral, qui fait de certains Category III des œuvres à la fois merveilleuses et honteuses.
C’est qu’il en faut de l’aplomb, pour tenter de rendre le détestable « héros » incarné par Ekin Cheng, plus « mècheux » que jamais, ne serait-ce qu’un tantinet sympathique : il est tout de même prétentieux, violent, machiste, et pour couronner le tout responsable de la mort d’un enfant six ans plus tôt. Il en faut tout autant pour capitaliser sur la présence de Cecila Cheung au générique alors qu’elle n’incarne qu’une adolescente en difficulté, particulièrement dégénérée et exaspérante. Pour jouer le jeu d’une telle méchanceté revancharde, allant du pêtage de rotule à l’injection de sang contaminé par le virus du Sida. Et pour opposer à tout ça, le sérieux des prestations de Simon Yam (merveilleux) et de Patrick Tam, incroyable en jeune attardé bégayeur. Le réalisme de courses qui misent non pas sur les cascades mais sur la vitesse, régulièrement artificielle mais souvent crédible en raison de la présence, authentique et palpable, des acteurs derrière les volants. Le discours jusqu’au boutiste d’un père retrouvé, pas raisonnable pour deux sous, mais touchant à sa façon, grossier obsédé qu’il est. L’incroyable beauté de la trop rare Kelly Lin, sacrifiée sur l’autel de l’ « eye candy » avant de mourir prématurément.
En fait, The Legend of Speed est intéressant car il est à l’image de son réalisateur : parfaitement insolent. Il est de plus plutôt maîtrisé, limitant intelligemment l’usage du tape à l’œil en vigeur dans l’univers du tuning au profit d’une réalisation carrée, d’un éclairage en lumière naturelle lors des courses nocturnes. The Legend of Speed est malin et malhonnête ; je pense qu’il peut constituer un sacré choc de culture pour ceux qui s’initient seulement maintenant, au fil des sorties DVD, à la cinématographie HK des deux dernières décennies. A défaut de constituer un chef-d’œuvre, ou même un excellent film, il se suit avec plaisir pour toutes ces raisons, qu’on les trouve louables ou non.
The Legend of Speed sera disponible en DVD français édité par CTV le 26 mai 2005, dans un joli petit digipack. Si la copie ne possède pas une définition magnifique, elle est tout de même de très bonne tenue quand on connaît la propension des hongkongais à cette époque, à négliger la conservation de leurs négatifs. La bande-son 5.1 est efficace, même si elle n’est vraiment exploitée que lors des scènes de course. En guise de suppléments, on retrouve un making-of (16’), mais surtout une interview d’Andrew Lau conduite par Fred Ambroisine (16’ aussi). Cette dernière consitue un complément précieux à la projection de ce film insolent, car on y découvre un réalisateur aggressif, un peu tordu (son discours sur l’influence positive de la série des Young and Dangerous laisse pantois) et très « Moi je ». Du bon boulot, quoi ! Remerciements à Mathilde Fourest, Vanessa Giorno et Pierre Bouyer.





