Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Corée du Sud | Festival des 3 Continents 2014

Hill of Freedom

aka Jayueui onduk | Corée du Sud | 2014 | Un film de Hong Sang-soo | Avec Ryô Kase, Moon So-ri, Seo Young-hwa

« So much for Objective Journalism. »

Ne cherchez pas plus ici que dans l’œuvre de Hunter S. Thompson, dont j’aurais tant aimé emprunter les méthodes le temps d’une immersion au sein du jury de la 36ème édition du Festival des 3 Continents, une quelconque objectivité : la décision dudit jury d’attribuer la Montgolfière d’Or à Hill of Freedom, vraie-fausse naïveté signée Hong Sang-soo, m’incite, par contre-coup, à adopter la subjectivité la plus complète à l’égard aussi bien d’un film que d’une récompense, qui tiennent d’une posture pseudo-intellectuelle de plus en plus exaspérante.

De retour d’une quelconque pérégrination, Kwon trouve une liasse de lettres d’un dénommé Mori, qui lui content comment il est venu du Japon pour renouer avec elle, pour trouver porte close. Sous le coup de l’émotion à la lecture de la première missive, Kwon laisse tomber les lettres, qu’elle ne parvient à remettre dans l’ordre. La découverte de l’incursion de Mori en terre coréenne, sa rencontre avec la charmante propriétaire (incarnée par Moon So-ri) d’un café au nom japonais dont la traduction anglaise donne son titre au film, se fera donc dans le désordre, dans une nonchalance et une légèreté toutes factices.

Factices oui, car le dispositif de cinéma déployé par Hong Sang-soo, d’ordinaire versé dans une certaine authenticité, nichée dans la déclinaison et la répétition, n’est que cela : une construction. La décision de faire parler ses acteurs, coréens ou japonais, en anglais, dans une énonciation maladroite, brise d’emblée l’illusion du dialogue, n’en déplaise à la présence toujours extraordinaire de Moon So-ri. L’illusion de l’incidence narrative de la maladresse de Kwan, et du désordre de lecture qui s’en suit, est quant à elle rompue par la conscience qu’en a Hong Sang-soo : l’épisode manquant qui renvoie à l’insistance avec laquelle il filme la lettre oubliée en début de métrage ; la mise en abîme des lectures de Mori, plongé dans un ouvrage sur la nécessaire linéarité de notre perception temporelle... Et l’illusion de notre observation se fissure pour sa part à chaque mouvement de caméra et autre zoom grossier, affirmation de la présence d’un objectif en lieu d’un regard. Si bien que l’émotion qui aurait du présider à la rencontre de Ryô Kase et Moon So-ri, sympathique parenthèse d’une histoire d’amour plus large, est inexistante, obnubilés que nous sommes par la présence du réalisateur.

Comme souvent ces dernières années avec Hong Sang-soo, l’expérience, bien que faiblarde, n’est pour autant pas désagréable, et fait même régulièrement sourire. Profitez toutefois de la sortie dans nos salles le 17 décembre prochain du lauréat de l’édition précédente du Festival des 3 Continents, Au revoir l’été, pour comparer la légèreté, le naturel selon Koji Fukada et selon Hong Sang-soo. Alors que le premier regarde ses personnages naître dans l’incarnation d’un texte, prononcé ou non, jusqu’à l’extinction de l’artifice cinématographique, le second contemple au contraire en permanence la toute puissance de son dispositif sur la réalité, et donc sa propre projection, à la fois trop malin et trop naïf pour être honnête. Le désagrément est double, de voir un cinéaste confirmé se travestir ainsi en débutant pour séduire une intelligentsia, et de constater qu’il y parvient. La façon qu’a Hernán Rosselli de cadrer l’échec et les culs de sac de la vie dans son Mauro, la prise de risque presque éthérée de l’errance morbide de Zhang Lu dans Gyeongju, la détresse identitaire d’une mère kurde dans Les Chants de ma mère d’Erol Mintas... sans même avoir vu l’ensemble de la sélection, il y avait autre chose à saluer dans cette 36ème édition, qu’une démonstration scolaire de cohérence cinématographique, façon travail dirigé, de la part d’un supposé maître.

Présenté dans la sélection officielle en compétition lors de la 36ème édition du Festival des 3 Continents (Nantes, 2014), Hill of Freedom y a remporté la Montgolfière d’Or.

- Article paru le mardi 2 décembre 2014

signé Akatomy

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