Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Indonésie | Festival du film asiatique de Deauville 2012

The Raid

aka The Raid : Redemption - Serbun maut | Indonésie | 2011 | Un film de Gareth Huw Evans | Avec Iko Uwais, Yayan Ruhian, Joe Taslim, Donny Alamsyah, Ray Sahetapy, Tegar Satriya, Ananda George, Pierre Gruno, Verdi Solaiman

C’est à l’occasion de Merantau que nous avions fait la rencontre du réalisateur gallois Gareth Evans, expatrié en Indonésie pour emballer sur grand écran le très cinégénique Silat Harimau d’Iko Uwais. Un film aux qualités martiales évidentes, doublées de qualités, narratives et de mise en scène, bien supérieures aux démonstrations en multi-cam de ses homologues thaïs, trop appliqués à impressionner et à fracturer du cascadeur pour livrer autre chose que d’incongrues demo reels. Aussi lorsque les premières images de The Raid, nouveau projet du tandem, font leur apparition sur la toile, l’excitation se répand comme une traînée de poudre. Forts d’un pitch aussi simpliste qu’excitant – un groupe d’intervention se lance à l’assaut d’un immeuble off limits, géré par un baron du crime et n’abritant que des malfrats prêts à en découdre – les extraits de The Raid explosent de violence chorégraphiée, sèche et non-ostentatoire, démontrent une maîtrise ahurissante de l’espace au cœur d’un simple couloir. Même Old Boy peut aller se rhabiller. Il est devenu certain ou presque, au fil des mois et des teasers, que The Raid saurait satisfaire notre soif de brutalité exigeante. Mais qui aurait pu se douter qu’il incarnerait l’une des plus grandes réussites du cinéma d’action de ces dernières années, tous pays confondus ?

Sous l’influence évidente de l’Assaut de John Carpenter, dont il inverse le contexte, The Raid parvient, dans son incroyable cohérence narrative et stylistique, à incarner la somme de cinémas d’actions pluriels et trans-générationnels, du film de suspense seventies au Die Hard-like, transcendant son héritage en abordant aussi bien la poudre que les poings avec une virtuosité et une rigueur martiales, emplies de cette sagesse qui l’éloigne de toute boursouflure post-produite. Avec son image presque terne, son souffle et ses crissements sonores, son grain qui s’épanche dans la pénombre et laisse libre empreinte à la crasse de son unité de lieu, sa gestion de la proximité, du contact et de la réaction en chaîne, son refus de s’abandonner, satisfait, à sa propre contemplation, The Raid explose dix ans de blockbusters – et la quasi-totalité de ses forces de l’ordre - en l’espace d’une vingtaine de minutes. L’ascension de l’équipe d’intervention, son échec à empêcher une enfance pervertie de sonner l’alarme, et les affrontements claustrophobes qui marquent la fermeture d’un étau sans état d’âme, débouchent sur des corps à corps ahurissants et expéditifs, dans lesquels les KO se font à l’arme à feu, à la machette, à la défenestration, au tonfa ou au poing, toujours à bout portant (à l’exception de quelques snipes) et dans l’immédiateté totale, comme autant de spasmes nerveux. L’agonie dans The Raid, n’existe pas, l’instant de mort étant aussi fugace qu’impressionnant, jalon ultra-récurrent et pourtant incroyablement varié d’une narration spatialisée autour de ses affrontements.

Sa violence, le film la construit ainsi dans un paradoxe de fluidité parfaite – de l’image, des causes et des conséquences – et de ruptures incessantes – du geste, du mouvement, de l’espace, de l’humain. Gareth Evans filme son action avec une économie appliquée, accompagne simplement les déplacements de l’incroyable Iko Uwais, sans jamais les gonfler à l’aide d’une accélération du montage. Il la regarde de face, de profil ou d’en haut, nous l’offre à lire et à ressentir plutôt qu’à deviner, uppercuts incessants de l’image et du son, exploite couloirs, cloisons et cages d’escaliers, se déplace aussi bien à l’horizontal qu’à la verticale, crée de nouveaux passages à la hache ou à la bombonne de gaz pour s’affranchir d’une bête narration en niveaux, ne jamais s’autoriser le sur-place. Evidemment, The Raid perd un peu de son rythme au fur et à mesure que le chaos des meutes se réduit en antagonismes réfléchis, et certains combats – contre l’incroyable Mad Dog (Yayan Ruhian) notamment, et son regard qui réfute toute lumière, et donc toute vie – s’étirent peut-être un tout petit peu. Mais le film se permet alors d’affirmer une intelligence supplémentaire – celle de l’écriture –, introduisant des rebondissements d’autant plus appréciables qu’ils savent éviter la caricature. Avec la puissance et la précision d’un crâne précipité vers le sol, frappé quatre fois contre le mur avant de heurter le plancher [1], The Raid est le film d’action le plus pur de ces dernières années, viscéralement appliqué, avec succès, à épuiser son sujet autant que la représentation, armée comme à poil, du face à face et du contact direct. Un chef-d’œuvre !

The Raid a été présenté dans la sélection Action Asia de la quatorzième édition du Festival du film asiatique de Deauville (2012), où il aurait évidemment dû être célébré comme le Messie - n’en déplaise au lauréat, le Wu Xia de Peter Chan.

[1Exécution qui ne manque pas de déclencher une quasi standing-ovation en salle.

- Article paru le mercredi 14 mars 2012

signé Akatomy

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