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Japon

Wild Zero

Japon | 2000 | Un film de Takeuchi Tetsuro | Avec Guitar Wolf, Bass Wolf, Drum Wolf, Masashi Endô, Makoto Inamiya, Masao Sato, Shirô Namiki, Kwancharu Shitichai, Naruka Nakajo, Yoshiyuki Morishita

Alors que, depuis les nombreux hauts-parleurs disséminés dans la salle, parvient le son violemment réconfortant d’une chanson des Ramones, un batteur et un bassiste entrent sur scène, plus nonchalants que jamais. Le premier s’assied derrière son lot de percussions, tambours et grosse caisse pendant que le second s’empare de son instrument, effectue quelques réglages de dernières minutes. Puis, par dessus les Ramones qui doucement s’effacent, Bass Wolf et Drum Wolf commencent à jouer, donnant le signal de l’entrée en scène de leur leader. Guitar Wolf - vêtu d’un t-shirt "Rock ’n’ Roll High School" qui justifie le morceau avorté en background - sort de la pénombre, titube dangereusement jusqu’à l’autre extrémité de la scène, branche à son tour sa guitare à l’entrée d’un Marshall et peaufine le son en devenir. La saturation est à son maximum, Guitar Wolf tourne le dos à son public, descend une canette de Heineken, une main levée vers le ciel pour marquer l’attente, pendant que ses sbires se recoiffent, gominés devant l’éternel. La bière momentanément épuisée, Guitar Wolf broie la boite métallique d’une main, la projette dans la foule et se saisit de son micro pour entamer Jet Generation, premier titre de l’album éponyme. Pendant près d’une heure et demie, le groupe enchaîne, morceau sur morceau, sans jamais s’arrêter. Véritable déluge sonore et visuel, Guitar Wolf redéfinit, l’espace d’un concert, tout un pan de musique et de bruit contemporains. Le Rock ’n’ Roll, ce sont eux, tout simplement. Le reste n’est que pacotille, vague tentative d’être punk après l’heure. Guitar Wolf tue tout.

Ce concert, c’était il y a deux jours, au Nouveau Casino à Paris. Une rencontre qui, plutôt que de simplement forcer le respect pour un groupe déjà mythique, fait de trois loups une véritable légende. Toute performance scénique se devrait d’être jugée en comparaison de la leur, de leur énergie, agressivité et redoutable insolence. Réalisateur de clips relativement célèbre au Japon, Takeuchi Tetsuro ne s’y est pas trompé.
"Guitar Wolf sont mes voisins, et les membres du groupe mes amis. [...] Je travaille avec beaucoup de musiciens dans ma profession ; alors que tous jouent un rôle devant leur public, ce groupe est identique sur scène et dans la vie - ils sont fous !" [1]. Pour le jeune réalisateur, la proximité est l’occasion d’une collaboration, qui prend forme avec une vidéo réalisée pendant l’une des tournées américaines du groupe. Une expérience qui lui permet de juger de l’ampleur de la démence de Seiji, Billy et Toru (respectivement Guitar, Bass et Drum Wolf), et qui lui donne envie de s’essayer à un premier long-métrage, une comédie ancrée dans un univers horrifique, une blague longue durée qui servirait à promouvoir Guitar Wolf, en reprenant la structure de Titanic, des éléments des films de Kitano et de The Crying Game (dixit Tetsuro himself), entre autres. Ce film - vous le connaissez certainement - ce sera Wild Zero.

Comme bon nombre de films visionnés par certains membres de SdA avant la naissance de ce site, Wild Zero ne figurait pas dans ces pages car nous n’avions pas retrouvé l’occasion de nous replonger dans son délire, et ne pouvions commettre l’affront de livrer un article basé uniquement sur des souvenirs - aussi excellents et uniques soient-ils. La tournée européenne de Guitar Wolf à l’occasion de la sortie mondiale de leur dernier opus, Ufo Romantics - et plus particulièrement leur passage à Paris -, constituait l’occasion rêvée de revoir cet ONVI qu’est l’unique long-métrage à ce jour de Takeuchi Tetsuro.

En guise d’ouverture du film, une météorite s’écrase près de la ville japonaise de Asahi-Cho. Au lieu d’embrayer sur cet évènement cependant, Tetsuro préfère nous présenter Ace, jeune fan de Guitar Wolf désireux de se faire une place dans le monde du Rock ’n’ Roll, et pourquoi pas même détrôner les loups de leur (soit-disant) première place. Alors qu’il s’apprête à frapper à la porte du producteur du groupe, Ace interrompt un règlement de compte entre les membres de celui-ci et le "Capitaine". Ce dernier, producteur vicelard qui aime cogner les femmes à ses heures perdues, et/ou les droguer pour profiter d’elles, arbore une coupe à la Mireille Matthieu, en parfait accord avec ses shorts à lacets "ras l’entrejambe" qui marquent superbement... le lot à marquer. Enervé par le comportement inhumain de son ami d’enfance, Guitar Wolf n’a donc pu s’empêcher de dégainer son flingue ; c’est donc un mexican stand-off qu’Ace interrompt, y gagnant un nez cassé. Quelques coups de feus plus tard et deux doigts en moins pour le prod chef-d’œuvre, Guitar Wolf fait de Ace son "Rock ’n’ Roll Blood Brother" en mélangeant son sang au sien, et lui offre un sifflet à utiliser en cas d’ennui.

En parallèle de tout ça, on suit les pérégrinations d’une voiturée de yakuza, passablement à la bourre pour un rendez-vous avec une jeune chagasse qui doit leur refourguer des armes, ainsi que celles de trois losers venus voir la météorite de leurs yeux vus (vous voyez, on y revient). Ces derniers se retrouvent dans une station service que le conducteur - sans doute énervé par les engueulades incessantes du couple qui l’accompagne - tente d’attaquer. C’est à ce moment là qu’arrive Ace, fracassant le visage de l’agresseur sans le faire exprès en ouvrant la porte de la boutique, et sauvant par la même occasion la jeune Tobio : love at first sight, my friends. Pendant ce temps là, les yakuza se font agresser par des zombies sortis de nulle part, et le Capitaine se met en chasse de Guitar Wolf, en route pour leur prochain concert...

Le scénario de Wild Zero vous parait quelque peu confus ? Rien de plus normal !
"Un clip ne s’intéresse qu’à l’image, alors que pour un film il faut faire attention au scénario, et ça peut être très difficile. [...] J’ai bien essayé au début, mais rapidement je me suis dit : ’F**k it.’" Il faut bien l’avouer, Takeuchi Tetsuro sait vendre son œuvre à sa juste valeur.
D’une exposition multiple qui tient presque la route, Wild Zero évolue vers une mise bout à bout sauvage de saynètes plus ou moins justifiées - mais toujours fascinantes ! Il faut dire aussi que le mélange est pour le moins complet... Une jeune femme nue qui dézingue les zombies dans sa douche parce que ceux-ci ont déchiré ses vêtements, des yakuza qui se font allègrement dépecer, un ensemble vestimentaire hallucinant, le plus grand mépris pour une orientation cinématographique quelconque... et puis surtout Guitar Wolf.

Guitar Wolf qui, lorsqu’Ace découvre que Tobio est un homme (les aléas d’un tournage en Thaïlande, qui ont amené le réalisateur à faire ami-ami avec un jeune homosexuel adorable), apparaît miraculeusement pour prodiguer un message d’amour et de tolérance sans précédent. Guitar Wolf qui abat les non-morts avec ses médiators magiques, qui pose sans cesse et prêche les bienfaits du Rock ’n’ Roll aux quelques figurants récupérés dans les rangs de la Mafia locale, ou coupe en deux un vaisseau extraterrestre démesuré avec un sabre sorti du manche de sa guitare.

Si le film n’est pas réellement construit autour des membres du groupe, il va sans dire que leur aura est le véritable liant de l’expérience dans son ensemble. Sans eux, Wild Zero aurait été une excellente curiosité. Grâce à eux, ce n’est ni plus ni moins qu’un chef d’œuvre underground, exécuté avec passion (les effets-spéciaux, bien que superficiels, sont toujours parfaitement intégrés) et, quelque part, un talent méprisable pour le cinéma dont se défend pourtant le réalisateur : "Je ne suis pas quelqu’un d’inspiré par le cinéma, quelqu’un qui a grandi en pensant qu’il n’y avait rien de mieux que les films. En fait, je hais profondément cette idéologie." Une attitude rebelle parfaitement naturelle, qui trouve écho dans l’attitude punk authentique des trois musiciens de Guitar Wolf. Et qui termine de conférer à Wild Zero son statut de chef d’œuvre unique au monde. Rock and Roll !!!

Wild Zero est disponible en DVD zone 2 NTSC au Japon, chez King Records via les bons soins de l’incontournable Gaga Productions.
La copie est superbe (normal puisque le film a été tourné en numérique), on regrette que la bande son ne soit qu’en Stereo mais celle-ci est très efficace - et l’ensemble a le bon goût d’être sous-titré en anglais ! Pas d’excuse donc...

[1Propos recueillis par Travis Crawford, et rapportés dans le numéro 203 du magazine américain Fangoria (juin 2001 - "Wild Zero - Brain-Dead and Proud of It").

- Article paru le dimanche 1er décembre 2002

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