Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Hong Kong | Festival du film asiatique de Deauville 2006

A.V.

Hong-Kong | 2005 | Un film de Edmond Pang Ho-Cheung | Avec Derek Tsang, Jeffrey Chow, Lawrence Chou Chun-Wei, Wong You-Nan, Chui Tien-you, Manami Amamiya, Hiroshi Fuazawa, Wenders Li Lin-Chuen, Cheung Tat-Ming, Eric Kot

« 4 garçons dans le souffle du porno... maison »

Jason et ses trois amis sont des étudiants vaguement paumés, entre la « non volonté » de rentrer dans la vie active dès la fin de leur cursus et les préoccupations de leur âge : le sexe, les filles, leurs nanas, devenir une bête au lit... bref la bagatelle dans toute sa jouissance, le reste n’est que secondaire et suivra sans doute, ou peut-être.

Jason est rêveur et veut croire en un possible rapport amoureux entre hommes et femmes. Bouli fan de football (Olympique de Marseille et le Werder de Brême pour ne citer que ces deux équipes), ne parvient pas à coucher avec sa moitié à cause d’un manque de confiance en lui et/ou un blocage dû à la frigidité de sa partenaire. Kit ne se satisfait pas de sa girlfriend et n’hésite pas à tenter de nouvelles rencontres via le net. Quant à Chi-On il est encore tout retourné d’apprendre que l’un de leurs confrères d’études de cinéma (Kar-Lok), s’est vu renvoyé pour avoir élaboré un faux tournage dans le seul but de pouvoir embrasser une fille sur laquelle il avait flashé. Bref ces jeunes gens, à part leur fougueuse envie de débauche, glandouillent une bonne partie de leur existence en attendant mieux.

Ahhh !!! Il est vrai que l’apprentissage est le propre de l’homme, de tout être humain en fait, quoi de plus naturel donc de vouloir à tout prix se perfectionner au lit. Et suivant le même raisonnement quoi d’encore plus naturellement normal que de s’adresser à une professionnelle du sexe, qui se voit payer dès qu’elle se déshabille : une actrice de porno... japonaise de surcroît.

Mais voilà : faire venir une actrice dans l’ancienne colonie anglaise n’est pas aussi aisé. En effet, les 4 compères se retrouvent au pied du mur quand l’agent de cette dernière leur demande la somme astronomique de 2.5 millions de yens, puis 4 millions, comme salaire (200 000HK$ et 300 000HK$). D’ailleurs bien vite les obstacles vont s’amonceler, car chaque étape qui les rapproche un peu plus de l’acte sexuel les en éloigne tout autant. Créer un site internet est un commencement, faire visiter les locaux de leur société écran devient hard, trouver des décors et une équipe technique pour le faux tournage relève de l’exploit, sans parler de la recherche de financement pour lequel une conférence sera organisée. En fait, pour arriver à leur fin coûte que coûte, ils se laissent prendre dans un engrenage, et peu à peu ou plutôt très vite, ils se retrouvent à monter une véritable structure de production, une vraie machine de guerre vouée au X... tout cela dans l’unique but de coucher avec la belle Manami Amamiya, comédienne dénudée qui aime les jets d’eau.

« Opération succion d’air... allez suce, suce, suce !!! » Spaceballs

Dernier film en date de Pang Ho-Cheung, réalisateur très local de l’île de Hong-Kong, A.V. (les magnifiques initiales d’Adult Video/faites un petit tour du côté de Sancho.Adult.Video pour mieux saisir) est rafraîchissant. Metteur en image déjà porté sur les tournages improvisés en catastrophe, You Shoot I Shoot (Eric Kot et Cheung Tat Ming), Pang collait dès sa première réalisation aux bases même d’un cinéma cynique, aux multiples peintures sociales formidablement représentées ; un syndrome qui le suivra aussi dans le « film de groupe » par excellence, le surprenant et encore une fois quelque peu corrosif sans être dénonciateur, Men Suddenly in Black. Cette histoire de 4 hommes, qui une fois leurs femmes respectives absentes, se retrouvent et passent quelques jours à s’amuser dans un premier temps et finalement repenser chacun leur vie.

Déjà à l’époque, Pang Ho-Cheung désirait mettre en exergue la force du groupe, une locomotive de la volonté d’atteindre un même but fixé, se distraire et boire un coup en passant par une philosophie de bistrot pour les Men Suddenly et copuler pour se perfectionner pour les amateurs d’AV. Bien entendu sous ces couches primaires se cachent bon nombre d’autres principes de vie, de pensées. Car n’oublions pas que si la plus grande peur, appréhension de l’adolescence, est le simple fait d’assurer au lit, au point d’en faire une priorité, l’aboutissement non avoué reste de se trouver soit en équilibre, soit en assurance dans le quotidien.

Pourtant ce qui reste le plus intéressant chez Pang c’est son pluralisme complet : la fraîcheur du propos, la marginalisation du sexe par le biais d’internet, le déclenchement tardif des hormones chez Bouli, le culte de la virginité, la sexualité banalisée et débridée, le speed dating outrancier et à peine exagéré... Pang prend le tout à bras le corps, l’ingère, le mâche bien, et nous le crache délicatement à l’écran en nous peaufinant des séquences aussi bien potaches - la partie de paintball, l’achat de viagra - que politiquement incorrectes - le monologue de l’oncle de Chi-On (un bijou verbal faussement moralisateur et caustique à souhait ayant pour sujet la jeunesse hongkongaise et sa préoccupation principale : le sexe et encore le sexe) ou la relation que Jason entretient avec Manami.

Au final l’œuvre de Pang Ho-Cheung, à qui l’on doit le roman Fulltime Killer, touche et tombe juste et son talent provient de son incroyable faculté d’absorption de l’air du temps. Je ne reprocherais (en même temps qui suis-je pour faire des reproches ?) ou plutôt contesterais que le choix de l’actrice , Manami Amamiya en l’occurrence, qui aurait pu céder sa place à la plus accueillante Emiri Yoshikawa - ci-dessus - qui a de la braise en elle comme disait Gabriel Pontello. Allez, vive le porno et le muscle !!!

A.V. a été présenté au cours du 8ème Festival du film asiatique de Deauville, en compétition. Disponible en double DVD HK depuis le mois de juin à un prix modique, avec sous-titres anglais et chinois.

- Article paru le jeudi 16 mars 2006

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