Bullets Over Summer

Deux policiers, Mike et Neng-ren, sont en planque dans l’appartement d’une dame âgée d’où ils surveillent un trafiquant d’armes habitant dans l’immeuble d’en face. Ce dernier doit approvisionner un gang de criminels, qui a abattu plusieurs personnes de sang froid lors d’un hold up et veut récidiver. Leur hôtesse, qui souffre de troubles mémoriels, les confond avec ses petits-fils. Ils sont rejoints par Yen, une lycéenne en rupture de ban et amie de leur indicateur, dont Neng-ren tombe sous le charme. Les jours passent sans nouvelle des malfrats et des liens se tissent entre ces personnes très dissemblables.

Si d’aucuns annonçaient la fin du cinéma hongkongais avec la rétrocession et le départ de ses têtes d’affiche aux États-Unis, le néo-polar hongkongais leur donne tort. Un an après The Longest Nite, les spectateurs hongkongais découvrent Bullets Over Summer, la même année que The Mission, un bon cru aussi pour Francis Ng.Infernal Affairs débarque sur les écrans 3 ans plus tard et Love Battlefield, 5 ans après. La liste est loin d’être exhaustive et nombre des films de celle-ci figureraient en bonne place parmi les meilleurs polars mondiaux de l’époque.

Bullets Over Summer se présente comme un buddy movie entre un flic senior, plus posé, quoique, splendidement interprété par Francis Ng, et son nonchalant jeune collègue, joué par Louis Koo. Classiquement, cette opposition de style est le moteur comique du film. Le duo montre toute son efficacité pour se débarrasser de gangsters cambriolant une supérette. Dans un déchainement de violence brute, qui n’a jamais effarouché le cinéma de Hong Kong, leur adversaire montre toute son inhumanité en mitraillant à qui mieux mieux, livreur, flics et mariée...

Wilson Yip opère un virage à 180°, reléguant au second plan le polar pour s’attarder sur l’ordinaire des deux flics plongés dans leur nouvel environnement : un appartement comme il en existe des centaines de milliers à Hong Kong. Au lieu de se concentrer sur les scènes spectaculaires liée à l’enquête policière, le cinéaste va renverser cette logique en se concentrant sur l’envers du décor et mélangeant enquête et vie de foyer.

Mike n’est pas insensible au charme et au destin d’une blanchisseuse enceinte et abandonnée par son ami. Cette situation éveille en lui les souvenirs de son enfance dans un orphelinat et des désir de paternité. Leur hôtesse retrouve des petits-fils de substitution et une vie sociale même si elle ne sort pas de son appartement. L’air de rien, Wilson Yip met sur le devant de la scène un thème dorénavant majeur pour nos sociétés. Quelles œuvres cinématographiques de cette époque parlent des personnes âgées affectées par des troubles cognitifs et vivant isolées chez elles ?

Ces individus regroupés par hasard dans cet appartement typique de Hong Kong vont finir par constituer une famille de substitution, chacun y trouvant ce qui lui manquait. Cette parenthèse prend fin après un repas – un des grands moments du film - et une photo de famille. Logique. Peut être est-elle d’ailleurs prise par le mouton noir de la famille !

Bullets Over Summer représente un nouvel exemple de la capacité du cinéma hongkongais à mélanger des genres et des situations, semblant aux antipodes. Après avoir été mis sous l’éteignoir, le polar reprend brusquement ses droits et le cinéaste hongkongais nous réserve des surprises supplémentaires.

Drôle, souvent, touchant, parfois, Bullets Over Summer baigne dans une mélancolie particulière, qui en fait une des réussites du néo-polar hongkongais.