Christmas on July 24th Avenue
Lisbonne et Nagasaki : deux villes portuaires aux similitudes insoupçonnées, que Sayuri (Miki Nakatani), office lady négligée et maladroite, confond dans ses rêveries quotidiennes, nourries du romantisme éperdu de quelques shojo manga [1]... C’est ainsi que, s’imaginant au Portugal, la jeune femme presque vieille fille fait de chaque homme qu’elle croise dans ses allées et venues quotidiennes, un prince charmant potentiel, à même de déjouer son morne destin, de la transformer en princesse et l’emmener sur l’avenue du 24 Juillet. Yoshio, son ami d’enfance, amoureux transit et mangaka wannabe, son patron et même son frère : tous ont une place sur l’échelle de la « princitude » de Sayuri. Mais aucun ne peut détrôner Satoshi (Takao Osawa), concepteur lumière de renom dont elle est éprise depuis que, petite main, elle vivait dans l’ombre de l’adolescence au théâtre universitaire de Nagasaki. Seul Satoshi, un soir d’humiliation publique comme un autre, avait eu un mot d’encouragement, un compliment, dans son aptitude à déceler le charme de Sayuri derrière un rare sourire. Huit années ont passé et voilà justement, que Satoshi s’en revient de Tokyo pour promouvoir son livre. Noël approche et, comme l’entourage de Sayuri ne cesse de lui faire remarquer, c’est une période où il fait bon tomber amoureux...
Tout n’est pas qu’indiens torses nus, homo-érotisme et peaux qui scintillent sous les rayons du soleil ; n’en déplaise à la frustration de Kristen Stewart, il y a d’autres façons de jouer le romantisme sexuellement exclusif que de se mordre la lèvre à chaque perspiration intime. Il y a, en effet, la mièvrerie borderline de Sayuri, complètement dénuée d’érotisme, fantasme de gamine perpétré dans un très discutable âge adulte. Cheveux sales et emmêlés, peau suintante et lunettes encombrantes ; Miki Nakatani n’est certes pas la première actrice, dont on s’amuse à dissimuler la beauté derrière une caricature de la laideur pour mieux la révéler ensuite, mais l’héroïne de Ring, Chaos, Loft, et autre Memories of Matsuko s’en sort à merveille. Peut-être un peu trop bien, même, Miki surjouant chaque travers et émotion d’un personnage qui n’est fait de rien d’autre. La vraie vie n’a que peu d’emprise sur Christmas on July 24th Avenue ; d’ailleurs l’imagination de Sayuri s’imprime régulièrement sur l’image, au travers de charmants gribouillis mais aussi d’apparitions non sensiques, de supporters portugais encourageant la rêveuse, dans un japonais approximatif, à trouver le courage de ses sentiments.
Si l’on peut comprendre que Sayuri ne vive le monde qu’au travers du filtre déformant de sa privation amoureuse, on adhère un peu moins à l’omniprésence exclusive de l’émotion, qui prive chaque personnage de sa personnalité. Tout dans le film de Shosuke Murakami, n’est que projection romantique dont les fondements nous échappent : si l’on peine à comprendre l’attrait exercé par Satoshi, puisqu’on ne saura jamais rien, ou si peu, de lui, on comprend encore moins la réciprocité naissante de son affection pour Sayuri qui, au-delà d’une apparence qu’elle se décide enfin à soigner – frisant le Rococo sans l’aisance insolente de Kyoko Fukada dans Kamikaze Girls – n’existe jamais en tant que femme. L’erreur de Christmas on July 24th Avenue est de faire l’apologie d’un premier amour immature, sans lui accorder le potentiel d’outrepasser un quotidien complexe, de réalités et contraintes – et donc lui donner une véritable valeur. Aucun de ses adultes ne l’est vraiment, puisque le social, le professionnel et même le relationnel n’ont aucune espèce d’importance. Il y avait pourtant, comme le prouve le rôle de la petite amie incongrue du frère de Sayuri, excellente Juri Ueno qui incarne une Megumi en tout point semblable à notre héroïne, reflet de ses craintes et aspirations, matière à donner un peu plus de profondeur à l’ensemble.
Il y a certainement un optimisme benêt à ne vivre la vie que comme une romance, ce en quoi Christmas on July 24th Avenue respecte bien l’univers des shojo manga. D’ailleurs, dans ce filtre unique, le film trouve ses moments les plus amusants, notamment dans les railleries de la belle-mère de Sayuri, qui s’évertue à rendre jaloux l’apprenti-mangaka, ou dans la retranscription à l’écran de la perception de l’héroïne, Megumi devenant par exemple un sapin un peu dépouillé affublé de lunettes. Mais tout ça, en dépit du charme si particulier de Miki Nakatani (on n’en dira pas autant du transparent Takao Osawa) est vraiment trop mielleux et superficiel. Au point - même si le film se conclut par l’énonciation d’une ouverture bienveillante, au delà des apparences et des acceptations, à la réalité de l’autre - de renier à l’humain son aptitude à grandir au-delà de l’éveil au sentiment, éternellement conditionné et défini par les émotions, idéalisées et regrettées, de la jeunesse. Nous sommes peut-être peu de choses, mais tout de même !
Christmas on July 24th Avenue est notamment disponible en DVD HK, sous-titré anglais, dans une édition exécrable et 4/3 signée AVP.
[1] Manga pour jeunes filles.




