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La Fureur du dragon

aka The Way of the Dragon - 猛龍過江 | Hong Kong | 1972 | Un film de Bruce Lee | Avec Bruce Lee, Nora Miao, Chuck Norris, Robert Wall, Wang In Sik, Wei Ping-ao, Huang Chung-hsin, Di Chin, Tony Liu, Chan Unicorn, Fu Ching Chen, Jon T. Benn, Malisa Longo

Tang Lung arrive à Rome de Hong Kong pour aider la famille d’un ami propriétaire d’un restaurant et qui est victime de racket. Champion de kung-fu, il effraie les gouapes venues troubler la paix du restaurant. Mais le groupe criminel n’en reste pas là et fait appel pour se débarrasser du jeune chinois à de redoutables champions d’arts martiaux...

Quatrième kata, le petit dragon approche de sa proie et avec sa queue, il frappe. Bruce Lee accompagne de cette phrase - qui m’est restée gravée en mémoire et je ne crois pas être le seul - sa première démonstration de force. A ma grande déception, une nouvelle traduction accompagne la version restaurée du film et si elle est sans doute plus juste, elle constitue une entrée en matière certainement moins marquante.

La technologie est en revanche dans l’incapacité de corriger l’habillage scénaristique des combats, parent pauvre du film, de même que les personnages très caricaturaux, qu’ils soient européens ou asiatiques. Il sert simplement de prétexte à la pièce de résistance de La Fureur du dragon, les 10 minutes de combat entre Bruce Lee et Chuck Norris.

Dans Big Boss, il exécutait dans un ballet aérien, Han Ying-chieh, l’acteur qui jouait le patron de Bruce Lee, mais qui était surtout le directeur des combats du film. Le petit dragon affirmait ainsi sa prise de pouvoir dans l’industrie du cinéma d’art-martiaux de Hong-Kong. Dans La Fureur du dragon, Bruce Lee affiche son ambition et ses récents succès lui permettent de mettre en scène ce film, le premier et seul qu’il réalisera dans son intégralité.

Maître de son destin, il ne va plus seulement triompher d’acteurs, de cascadeurs ou de directeur des combats, mais de combattants martiaux reconnus. Le générique défile, présentant un à un ses futurs adversaires en détaillant leur cursus martial. Bruce Lee fait appel à Robert Wall, Wang In Sik et bien sûr à Chuck Norris, alors champion de karaté, qui sera son opposant dans le principal combat, désormais mythique.

Un tel affrontement nécessite un lieu à la hauteur de l’ambition de Bruce Lee. Il se déroule dans un lieu légendaire s’il est en dans l’histoire des duels, le Colisée de Rome où les gladiateurs de l’empire romain s’affrontaient jusqu’à la mort. Si les scènes pendant lesquelles Bruce Lee recherche Chuck Norris sont filmées dans le monument, leur combat a été réalisé en studio.

Référence plus discrète, la musique illustrant certaines scènes de La Fureur du dragon a été reprise d’un grand film s’achevant aussi sur un duel resté dans les annales : Il était une fois dans l’ouest. Il utilise sans vergogne le morceau L’attentat d’Ennio Morricone qui accompagne la séquence pendant laquelle les hommes de Franck soudoyés par mister tchoutchou tentent de l’assassiner.

La Fureur du dragon contient l’une de mes séquences de combat préférées. Avant la dernière moitié du combat, Bruce Lee danse autour de Chuck Norris avec toute la grâce de l’ancien champion de tcha-tcha-tcha. Aussi souple que le chaton, qui est filmé en parallèle, Bruce Lee esquive et pare les lourds coups de Chuck Norris, qu’il épuise. La mise à mort peut commencer.

Dans la perspective d’un plus grand réalisme, il limite les effets de montage destinés à rendre plus spectaculaire les assauts. Il est parfois attribué à Han Ying-chieh l’introduction du trampoline dans les combats. Celui-ci travaillera à plusieurs reprises avec King Hu, notamment sur Dragon Gate Inn et Touch of zen, qui révolutionna la mise en scène des combats en les rendant plus impressionnants grâce au montage.

En dépit de sa brève carrière, Bruce Lee devient aussi célèbre que Charlie Chaplin en son temps. Les deux artistes s’expriment dans un langage universel, celui de leur corps et incarnent la lutte, elle aussi universelle, du faible contre le fort. Bruce Lee se glisse une nouvelle fois dans la peau d’un chinois exilé à l’étranger, totalement ignorant des us et coutumes du pays. Il incarne son public et celui du cinéma de Hong Kong : la diaspora chinoise. Mais Bruce Lee va transcender cette identité, l’acteur est la première star planétaire de couleur. Il débarque sur les écrans du monde entier à un moment propice, les années 70 qui voient l’émergence du tiers monde, comme les pays en développement étaient alors appelés, après la décolonisation de l’Afrique et de l’Asie. Les minorités opprimées vont également se retrouver dans son combat.

Bruce Lee a tourné tous ses efforts vers la construction de son propre mythe, sculptant son corps qu’il exhibe sur le balcon de sa chambre. Il ne serait pas là où il est arrivé sans un certain égo... Malgré les nombreuses visions de ses combats, il est terriblement impressionnant dans ses accélérations et leur brutale libération d’énergie. Le coup de pied sauté avec lequel il explose le plafonnier du bureau du chef des gangsters impressionne toujours autant. Sa vitesse et sa puissance explosive s’accompagnent de son charisme et de son élégance. Ses feulements participent de sa stratégie de tension au même titre que ses postures et ses petits gestes.

La Fureur du dragon a été projetée au Forum des images dans le cadre d’un Portrait de Hong Kong.

- Article paru le jeudi 30 mai 2024

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