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Japon

Le Pavillon d’or

aka 炎上, Enjō | Japon | 1958 | Un film de Kon Ichikawa | Avec Raizô Ichikawa, Tatsuya Nakadai, Ganjirō Nakamura, Yōichi Funaki, Tamao Nakamura, Jun Hamamura, Tanie Kitabayashi, Michiyo Aratama

Derrière l’exploration de la psyché d’un novice profondément perturbé par la mort de son père, Kon Ishikawaka montre un Japon déstabilisé par la défaite via le prisme nationaliste de Yukio Mishima.

A la suite du décès de son père, Go-ichi Mizoguchi se rend au temple de Soen, dont les membres s’occupent du Pavillon d’or. Étant ami avec son géniteur, le Révérend, Tayama, le prend comme novice. Le jeune homme juge qu’il n’y a rien de plus sacré que ce monument et n’a d’autre souhait que de vivre à proximité. La renommée touristique acquise par Pavillon d’or dans le Japon d’après-guerre le révulse. Mizoguchi est également choqué par le comportement des personnes vivant au temple, en particulier celui du Révérend, qui prend ses aises avec le chemin de Bouddha.

Kon Ichikawa adapte un roman de Yukio Mishima, dont l’idée est tirée d’un fait divers. Le livre et le film traitent de l’un des thèmes majeurs de l’œuvre du célèbre romancier japonais : la beauté n’a pour lui jamais autant de valeur qu’en vertu de sa destruction [1]. Au cours de la décennie suivante, Raizō Ichikawa, qui interprète avec brio Mizoguchi, jouera dans une autre adaptation filmée d’un écrit de Yukio Mishima, Le Sabre. Porté à l’écran par Kenji Misumi, il fait partie de sa célèbre trilogie du trilogie du sabre, avec Tuer et La lame diabolique.

Le Pavillon d’or est structuré par des flashbacks gigognes. Élégante idée de mise en scène, certains apparaissent en arrière-fond de Mizoguchi filmé en gros plan. Lorsqu’ils éclairent sur sa situation psychologique, ses souvenirs semblent être projetés par sa tête. A cette audace formelle, Kon Ichikawa associe une impressionnante science du cadrage et les jeux d’ombre et de lumière pour révéler les tourments de Mizoguchi.

Le cinéaste dresse le portrait d’un jeune homme isolé de la société par son bégaiement et que les transformations de la société japonaise de l’après-guerre achèvent de déstabiliser. Mizoguchi fréquente un seul novice, Tsurukawa, qui ne prête aucune attention à son défaut d’élocution, puis l’étudiant Tokari, souffrant d’une infirmité aux jambes et devenu cynique, splendidement joué par un jeune Tatsuya Nakadai.

Si le thème central du film du beau associé à la destruction est typique de l’univers de Mishima, sa vision réactionnaire de la société japonaise de l’après-guerre l’est aussi.

La figure du père, intimement associé au Temple d’or, est fondamentale. Mizoguchi se rappelle avec émotion de sa visite en compagnie du sien avant la défaite. Lors de la séquence suivante, le temple est transformé en objet mercantile : dans le brouhaha des bus, des soldats américains débarquent pour visiter le monument devenu une attraction touristique très populaire.

Le Révérend se substitue au père décédé de Mizoguchi, mais n’est pas à la hauteur du modèle : l’appel de la chair est trop impérieux. L’empereur apparaît en filigrane de ce père de substitution. Celui-ci perd son statut de dieu après la défaite - au grand dam des nationalistes - pour devenir un mortel tandis que le Révérend - comme le Japon montré dans ce film - succombe au matérialisme et à la chair. Il n’en reste pas moins l’un des personnages les plus humains du film en reconnaissant ses faiblesses. Si Mishima n’est pas tendre pour ses contemporains masculins, il l’est encore moins pour les femmes, qui ont toutes la cuisse leste.

Fidèle à son idéologie de la beauté, Mishima brûlera ses vaisseaux dans une vaine tentative de coup d’État avec pour objectif de restaurer un Japon nationaliste. Suicidé à 45 ans, le corps sculpté par des années de musculation, il échappe à la décadence de la vieillesse telle qu’illustrée dans sa dernière œuvre, L’Ange en décomposition.

Le Pavillon d’or est ressorti sur les écrans français dans une version restaurée le 15 janvier 2025 grâce à Splendor Films.

[1La Revue des Ressources

- Article paru le vendredi 24 janvier 2025

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