[REC]
Avec Manuela Velasco, Pablo Rosso, Martha Carbonell, Jorge Yamam, Carlos Lasarte
Angela est journaliste de télévision. Dans le cadre de son émission « Pendant que vous dormez », elle suit avec son caméraman le quotidien d’une caserne de pompiers. Alors que la nuit s’annonce plutôt calme, ces derniers reçoivent un appel d’urgence : une personne âgée, habitant seule, semble avoir besoin d’aide.
Arrivés sur place, Angela, son caméraman ainsi que les deux pompiers qu’ils accompagnent, sont accueillis par les voisins inquiets et deux agents de police. Ils ont entendu des cris venant de chez la vieille dame. Après quelques essais, les pompiers finissent par ouvrir la porte de son appartement sans se douter encore de l’horreur qui les attend…
Autant l’avouer, depuis le succès des remake de Massacre à la tronconneuse et de Dawn of the Dead, le cinéma d’horreur dans sa grande majorité peine à sortir des sentiers battus, préférant comme souvent dans le cinéma de genre, copier ad nauseam la mode du moment. Alors bien sûr, si on peut se réjouir d’un retour à un cinéma plus « rentre dedans », à la fois violent et gore proche en cela du cinéma des seventies, la plupart des productions horrifiques du moment ont non seulement du mal à se démarquer du tout venant (Wolf Creek, Hostel), mais souffrent surtout du même problème : elles ne procurent (ou si peu) aucun sentiment de peur.
Précédé d’une excellente réputation et de bandes annonces pour le moins efficaces (voir l’astucieux teaser montrant le public de Sitges visiblement effrayé lors de la projection du film), [REC] promettait justement à l’inverse de la tendance actuelle, un grand moment de frayeur propre à scotcher le spectateur dans son fauteuil comme seuls certains jeux vidéo d’horreur arrivent finalement à le faire aujourd’hui.
Le résultat va bien au-delà du simple film d’épouvante traditionnel. [REC] est une expérience vraiment impressionnante, profondément immersive, effrayante par moment (peut-être pas autant que ce que le laissait présager la réaction du public de Sitges, mais il est honnêtement impossible de ne pas sursauter quelques fois dans son fauteuil), mais qui surtout instaure un véritable sentiment d’angoisse de plus en plus prégnant chez le spectateur à mesure que l’histoire se déroule, et qui ne le lâchera pas jusqu’à la fin du film.
Pour cela, Jaume Balaguero et Paco Plaza ont écrit une histoire certes classique, mais dont les divers élèments propres à créer la peur sont parfaitement mis en valeur. Que ce soit l’immeuble où se déroule l’action, lieu normalement synonyme de sécurité qui se transforme rapidement en véritable piège à l’ambiance oppressante pour les habitants, ou encore le virus qui frappe au moment où l’on s’y attend le moins (et donc contrairement à 28 Days Later et sa suite, Jaume Balaguero et Paco Plaza ont eu l’intelligence de ne jamais complètement expliciter son origine, ce qui renforce encore le malaise ressenti face à cette menace qu’on ne peut comprendre), tout concourt à faire perdre ses repères au spectateur et à le mettre sous tension durablement.
A cela, il faut ajouter que malgré son classicisme, le scénario de [REC] n’en est pas moins un petit chef-d’œuvre de structure, construit sur une alternance de moments plus ou moins calmes qui permettent de s’attarder sur l’héroïne et la galerie de personnages assez pittoresque habitant l’immeuble, et des instants de tensions souvent surprenants (même si les habitués des films d’horreur sauront en devancer certains, en particulier grâce à quelques indices glissés dans les dialogues), avant de culminer dans une longue séquence finale dont il est impossible de parler sans en gâcher la teneur.
Toutefois, la grande force de [REC] réside principalement dans sa réalisation en caméra subjective. Tourné comme un reportage télévisuel à l’instar du Projet Blair Witch, jamais le procédé n’a été aussi bien exploité dans le seul but d’immerger le spectateur dans l’histoire. (« Il fallait trouver un moyen pour que le spectateur soit en quelque sorte l’acteur principal de cette histoire, un témoin impuissant des événements horribles qui s’y déroulent. » [1] Jaume Balaguero). Constamment au cœur de l’action, d’une précision chirurgicale dans les cadres et les mouvements, la caméra de [REC] finit presque par se faire oublier au profit de notre propre regard (la voix du caméraman et quelques ellipses brisent parfois le transfert entre les deux), témoin de ce cauchemar ultra réaliste dont il est impossible de deviner la suite et dont nous subissons les événements les plus flippants sans pouvoir y échapper.
Véritable choc de ce début d’année, [REC] est une œuvre brillante, intelligente dans un genre trop souvent miné par la médiocrité, qu’il est donc impératif de découvrir en salle pour en profiter pleinement.
[REC] sort sur les écrans français le mercredi 23 Avril 2008.
Je tiens à remercier Clément Rébillat ainsi que toute l’équipe du Public Système.
[1] Extrait tiré du dossier de presse.



