Ryoma Ansatsu
Chaque peuple possède ses héros...
Les trois derniers jours de la vie de Ryoma Sakamoto, partisan de l’empereur qui tenta d’unir les clans Choshu et Satsuma, afin de faire progresser le Japon vers une politique d’ouverture et d’égalité...
Avant d’entreprendre la vision d’un film tel que Ryoma Ansatsu, une prise en compte de quelques éléments historiques paraît plus que préférable...
...Ryoma Sakamoto est né à Kochi - domaine féodal appelé Tosa (Shikoku) - en 1835. Il est le plus jeune fils d’un riche commerçant, dont la famille appartient à la plus basse classe conformément aux lois en vigueur à l’époque. Le père de Ryoma achète le droit d’être goshi, un samurai de basse catégorie. Agé de quatorze ans, Ryoma débute la pratique du kendo sous l’influence de son père. En 1853, ce dernier envoie son fils à Edo (Tôkyô), afin de parfaire sa technique de maniement du sabre au sein de la fameuse école Chiba Sadakichi. Cette même année, le Japon est marqué par l’arrivée du navire du contre-amiral Perry dans la baie de Edo (rappelons que le Japon est alors en isolation auto-imposée depuis près de deux cents ans). Le shogun ordonne alors à tous ses chefs de clan de garder la baie. Les étudiants, Ryoma compris, sont également mis à contribution. Le jeune homme sait que la Chine a été envahie par l’occident, et - certainement par crainte - devient un virulent xénophobe... En 1854, il fait la rencontre de Shoryo Kawade dont les connaissances sur l’occident ne sont plus à démontrer (il a écrit un livre sur Manjiro Nakahama, japonais naufragé qui fut transporté à Hawai puis aux Etats-Unis où il devint le premier étudiant japonais en 1843). Grâce au savoir de Kawade, Ryoma se familiarise avec la politique, l’économie et le système social occidental, plus particulièrement des Etats-Unis... La principale chose qu’il en retient est l’absence de classes en Amérique ; il se dit alors que le shogunat va devenir de moins en moins nécessaire pour ne pas dire obsolète. Ryoma termine ses étude en 1858, puis retourne à Tosa. Il y retrouve l’un de ses amis d’enfance, Hanpeita Takechi qui, en 1862, créé une sorte de milice anti-étrangers composé de 200 samurai de petite classe. Mais le seigneur de Tosa leur refuse le droit d’exister en tant que tel ; Takechi planifie alors le meurtre de Yoshida Toyo, le seigneur, pour le bien de Tosa. Ryoma quant à lui, souhaite faire le bien du Japon, pas seulement de Tosa, et décide de quitter le clan... Pour ce geste, il est condamné à mort. En décembre 1862, il décide d’assassiner Kaishu Katsu, un officier de haut rang du gouvernement, commandant du Kanrin Maru, bateau qui fut envoyé aux Etats-Unis afin d’y signer des traités commerciaux. Face à Ryoma, Katsu - qui semble savoir pourquoi Ryoma est là - lui confie qu’il souhaite faire partie des siens... En 1863, Katsu persuade le shogun de créer une école de navigation à Kobe. A vingt-neuf ans, Ryoma est à la tête de trois cents samurai (des ronin, ou de jeunes samurai ayant quittés leurs clans) qui, une fois leur formation navale achevée, seront envoyés à Hokkaido afin de l’explorer.
En 1864, le climat politique japonais est plus que tendu ; le clan Choshu bombarde les navires hollandais, tandis que les Satsuma combattent les britanniques à Kagoshima, et une vague d’assassinats déferle... Une alliance occidentale attaque les deux clans dont les pertes seront mémorables... Après la tentative ratée d’assassiner l’empereur afin de mettre à sa place le chef du Shinsengumi, le clan Choshu est considéré comme ennemi du Japon...
Suite aux nombreuses rebellions dans la partie Ouest du Japon, le gouvernement fait fermer l’école navale de Kobe... En 1864, Ryoma et une vingtaine d’amis, viennent à Nagasaki afin d’y créer le Kameyama Shachu qui deviendra par la suite le Kaientai (Force auxiliaire navale). Kogoro Katsura, le chef du clan Choshu, vient trouver Ryoma pour lui demander de lui trouver des armes, son clan n’ayant plus le droit d’en acheter sur ordre du gouvernement. Ryoma, qui tente de réfléchir à un bon moyen pour réunifier le Japon, a soudain une idée : les Choshu ont beaucoup de riz mais n’ont pas le droit d’acheter des armes, tandis que les Satsuma ont très peu de riz et ont le droit d’acheter des armes... l’idée de Ryoma porte ses fruits, et un contrat est signé secrètement à Kyôto le 22 Janvier 1866. Le lendemain, Ryoma essuie une tentative d’assassinat manigancée par le gouvernement...
En avril 1867, un des bateaux commerciaux de Ryoma est accidentellement coulé par le clan Kishu, proche du shogun ; Ryoma - très au fait du droit maritime - souhaite que cet accident soit le premier résolu sous couvert du droit maritime japonais, et souhaite même que des occidentaux soient membres du jury lors du procès...
Les groupes anti-gouvernement se font de plus en plus pesant, et Ryoma sent que la guerre est proche. Pour lui, une seule solution s’impose pour éviter le conflit : l’abdication du shogun. Les idées de Ryoma sont clairement exposées dans son Senchu Hassaku, son plan en huit points. Il suggère, entre autres, que la valeur de l’or et de l’argent soit équivalente à celle des autres pays... En Octobre 1867, le shogun accepte de rendre son autorité à l’empereur... En Novembre 1867, Ryoma est à Kyôto avec son ami Shintaro Nakaoka, il lui reste trois jours à vivre...
...et c’est là que débute l’action de Ryoma Ansatsu, superbe film réalisé en 1974 par Kazuo Kuroki (Matsuri no Junbi, Ashita, Suri) sous l’égide de l’ATG (Art Theatre Guild). Tourné dans un noir et blanc très contrasté et caméra à l’épaule, ce qui lui confère un aspect quasi-documentaire, le film de Kuroki possède une richesse graphique inouïe. En fait que dire devant un tel étalage de perfection, où toute la quintessence du film ’d’auteur’ se retrouve liée à une sorte de farce burlesque tous publics ?! Si le travail visuel entrepris par Kuroki et la sublimement envoûtante partition signée Teizo Matsumura y sont certainement pour beaucoup dans la réussite du film, il est indéniable que le travail des acteurs en est également - et en grande partie - responsable.
...et confier le rôle titre à Yoshio Harada était certainement la meilleur chose qui puisse arriver ! Ce génial acteur vu dans Kimi yo Funme no Kawa o Watare (Junya Sato /1976), Zigeunerweisen (Seijun Suzuki /1980) ou plus récemment dans Onibi (Onibi le démon de Rokuro Mochizuki /1996), Party 7 (Katsuhito Ishii /2000) et Another Heaven (Joji Iida /2000), trouve dans ce rôle une sorte d’exutoire jouissif... rarement un acteur n’est apparu aussi à l’aise dans son rôle, ou peut-être faudrait il chercher du côté de Toshiro Mifune dans Yojimbo (Akira Kurosawa /1961). A ses côtés, Renji Ishibashi (Chûgoku no Chôjin, Audition, Hotaru, Shin Jingi no Hakaba), tout simplement excellent - et jeune ! - dans le rôle de Nakaoka. Egalement dans la distribution, l’incommensurable Yusaku Matsuda [1] dans l’un de ses premiers rôles au cinéma, et une très jeune Kaori Momoi (Swallowtail Butterfly, Bounce Ko-Gals, The Island Tales) alors âgée d’à peine vingt-deux ans...
Oeuvre d’une rare sensibilité, capable de passer du drame historique au quasi-burlesque, d’une richesse visuelle étonnante, Ryoma Ansatsu est tout simplement un film parfait !
PS : Un grand merci à Kazuo Yamada et à ses écrits.
DVD | Pioneer | NTSC | Zone 2 (Japon) | Format : 1:1:33 - 4/3 | Images : Un pressage exemplaire... mais attention, l’image a un grain très prononcé. | Son : Mono... un peu poussif, mais correct dans l’ensemble. | Suppléments : Trailer, teaser, mini bios cast & staff... c’est tout !
[1] Cf. mini-dossier Yusaku Matsuda.



