Waiting in the Dark
Michiru, qui a perdu la vue des suites d’un accident, vit avec son père. Lorsque celui-ci décède, la seule personne à la sortir de sa solitude est son amie d’enfance Kazue, qui l’accompagne faire ses courses et l’incite à garder un contact avec le monde extérieur. Dans sa petite maison pourtant, Michiru n’est pas seule : Akihiro, suspecté du meurtre d’un collègue sur le quai de la gare qui fait face à la demeure de la jeune femme, s’est réfugié en cachette dans l’intimité de la non voyante. Un silence secret qui sied bien à son caractère, tout aussi solitaire...
Premier fils de Shohei Imamura, Daisuke Tengan est plus connu pour son travail en tant que scénariste que pour ses quelques passages à la réalisation. De sa plume ont coulé les scénarios, entre autres, de The Most Terrible Time in my Life et Stairway to a Distant Path (tous deux réalisés par Kaizo Hayashi), L’Anguille, Kanzo Sensei et De l’eau tiède sous un pont rouge pour son père, ou encore Audition et Imprint pour Takashi Miike. Waiting in the Dark est l’occasion pour l’auteur-réalisateur d’adapter le roman Kurai Tokoro de Machiawase, œuvre singulière dans la bibliographie de son auteur Otsuichi (de son vrai nom Hirotaka Adachi), spécialisé dans l’horreur et le fantastique.
Récit intimiste et lancinant d’une cohabitation silencieuse, Waiting in the Dark n’est peut-être pourtant pas plus proche du mélodrame que du thriller épuré. Si Tengan prend son temps pour poser la délicate isolation de la belle Michiru (Rena Tanaka), celle-ci est noyautée, discrètement, par la menace susurrée d’une bande son elle aussi épurée, mais tout de même angoissante. Une angoisse qui est celle de la solitude pour cette aveugle qui se retrouve livrée à elle-même, terrorisée par le monde extérieur autant que désintéressée de ce qu’il a encore à lui offrir ; mais aussi celle de la présence de cet intrus, assassin supposé. A la manière d’Audition, Daisuke Tengan œuvre ici dans une dissimulation. Un art qu’il pratique sur plusieurs niveaux, cachant la raison véritable de la présence d’Akihiro Oishi auprès de Michiru, autant qu’il occulte complètement cette même présence aux yeux opaques de l’héroïne.
Le récit de Waiting in the Dark est divisé en trois parties : « Michiru », « Akihiro » et « Michiru et Akihiro ». La première s’intéresse au quotidien de Michiru, tableau d’habitudes simples qui dresse le portrait d’une femme intériorisée. Un quotidien qui n’est pas vraiment rythmé, au sein duquel elle se laisse porter, se repérant tout au plus à l’aide d’une horloge parlante, extension temporelle de la canne blanche, qu’elle porte autour du coup. Dans cette arythmie, l’intrusion d’Akihiro ne rajoute pas de vie au sein des murs de la maison de Michiru ; au contraire même puisque, d’une certaine façon, elle en double l’immobilisme. La seconde partie elle, se penche sur le caractère asocial d’Akihiro, hybride sino-japonais qui ne parvient pas à trouver sa place, ici ou ailleurs, dans sa vie personnelle ou dans son travail dans une imprimerie. Comme Michiru mais avec la vue, il se perd dans des détails – l’entretien des machines de l’établissement – qui lui permettent de se refermer sur lui-même sans ressentir d’ennui.
La troisième partie confronte forcément ces deux exclusions, en réalité volontaires, tout en faisant naître l’intrigue criminelle au cœur du film. Jusque là très lent, Waiting in the Dark adopte alors un rythme de narration plus traditionnel et pour cause : le contact physique entre les deux exclus remet leur vie en marche. Une mécanique de contact que Daisuke Tengan dépeint avec retenue, sans l’embarrasser de motivations extérieures : tout ce qui est extérieur au couple – au sens personnel mais aussi mécanique du terme – ne servant que de contexte, d’opportunité. Une opportunité qui est celle de redevenir humain, et qui s’applique, explicitement, aux non-voyants autant qu’aux autres ; d’aller au-delà, simplement, du handicap social pour s’accomplir. Dans Waiting in the Dark, l’échange et le partage vont bien au-delà des mots : c’est dans l’attention et les attentions que nous portent quelqu’un, que l’on se sent – que l’on se sait – exister.
Waiting in the Dark est disponible en DVD au Japon, mais aussi en DVD et VCD HK. Toutes ces éditions disposent de sous-titres anglais ; c’est donc le porte-monnaie qui fera le bon choix.




