Crying Fist
Attention voici clairement un grand et bon film ! Certains lui reprocheront quelques facilités sentimentalo-mieleuses sur la fin, mais personnellement je n’irais pas danser une valse avec eux, bien au contraire j’irais cracher sur leur tombe. J’adore ce film du début à la fin, il m’a mis KO debout,et franchement j’en redemande.
Dès le pitch du film on flaire le drame humain et l’étude de caractère impeccable, et nom de dieu que l’on a raison : « Tae-shik, naguère grand boxeur, gagne maintenant sa vie en se faisant boxer dans la rue par les passants. Tout ce qui lui reste, c’est sa femme, qui demande le divorce, et son fils, seule lumière de sa vie. Accablé de dettes, sans plus rien avoir à perdre, le vieux boxeur décide de briguer le titre de champion de boxe amateur. Sand-hwan est un jeune rebelle désaxé et violent, qui se retrouve en prison pour vol. Au club de boxe de la prison, il se sent pour la première fois capable d’accomplir quelque chose. » Ca y est, les dés sont jetés, la roue du destin est en marche. Aussi bien dans la vie, au niveau de leurs talents d’acteurs, que par les personnages qu’ils incarnent, Ryoo Seung-bum et Choi Min-sik sont les deux facettes d’un seul et unique personnage. Un de la trempe des monstres sacrés. Ryoo Seung-bum, loin des rôles comme celui qu’il tient dans Arahan, montre ici une nouvelle facette de son talent impressionnant. La rage intérieure de son personnage est en grande partie silencieuse, ses dialogues sont très peu nombreux, et pourtant rien de ce qu’il nous transmet ne sonne faux. Semblable à la performance d’un Alain Delon dans Le samourai, le jeune Ryoo Seung-bum démontre avec une force peu commune qu’il est parmis les acteurs les plus intéressants en Corée à l’heure actuelle. De l’autre côté, face à ce jeune chien fou, se trouve celui que l’on peut sans nul doute qualifier de Pacino coréen : Choi Min-sik .
Usé jusqu’à la corde, son personnage est aussi bouleversant - si ce n’est plus d’ailleurs - que celui du jeune boxeur. Laissés pour compte par la vie et leur propre lâcheté, les deux hommes réussissent à retrouver l’espoir d’une certaine rédemption au travers de la boxe. Car ici ce sport, au demeurant violent et idiot pour le néophyte, se révèle être le seul chemin que la vie laisse à ses deux personnages pour se laver de leurs pêchés et retrouver leur place au sein de la société. Là où le film réussit un homerun, c’est dans la description de ces deux personnages, dont les caractérisations sont terriblement efficaces. La palme revient à celui incarné par Choi Min-Sik qui, de par sa profession de punching bag humain et le travail qu’il effectue sur lui-même tout au long du film, ne peut sincèrement qu’émouvoir. La rédemption est ce que chacun des personnages cherche : l’un aux yeux de son père et de sa grand-mère, à qui il n’a jamais su dire "je t’aime" ou leur montrer qu’il était autre chose qu’une petite frappe ; l’autre aux yeux de sa femme, qui le prend pour le pire des zéros, et surtout de son enfant qui, malgré toutes les situations plus humiliantes les unes que les autres que son père traverse, continue d’aimer sans réserve cet homme qui pourtant le fait souffrir. Et c’est justement dans cet amour sans réserve que le vieux boxeur trouve les ressources nécessaires pour sortir de sa condition : il ne veut plus de cette image de raté qu’il renvoie sans cesse à son enfant. Les deux personnages sont des parias - l’un aux yeux de la société, l’autre aux yeux de sa famille et du monde qui l’entoure. Des losers en plus d’être des nuisibles ; impossible de choisir pire comme tableau. Et pourtant c’est au travers de cette odysée humaine que Ryoo Seung-wan nous montre où se trouve le meilleur de l’être humain. La boxe est ici l’élément libérateur, celui par lequel on purifie son corps tout comme son âme.
Ce qui nous amène à la dernière étape du film. Moment incroyable où, après avoir cheminé en parallèle sans jamais se rencontrer, les deux boxeurs s’affrontent dans un match intense et ô combien ravageur. Car, non content d’être dévastateur par sa mise en scène brillante et à la fois si simple, ce final se paye aussi le luxe d’être ravageur au niveau émotionnel. Certes le film peut paraître long, mais cela était utile, pour faire vivre ces personnages et nous montrer que, dans l’image de ces deux ratés que l’on ne regarderait même pas dans la rue, se cache une grande part de nous-mêmes. Ils sont trop humains pour que l’on puisse rester insensible à leur histoire. Le réalisateur a réussi son pari : on tient à ses personnages, on les aime, les déteste, les comprend et surtout, quand vient le combat final, on tremble et souffre avec eux. C’est une part de nous-mêmes qui est sur ce ring, et l’on a envie que chacun de ces deux combattants, qu’on s’imagine se battre pour se libérer de maux identiques aux notres, réussissent à en ressortir indemnes.
Crying Fist est un film âpre et violent, étude humaine et sociale sur le noble art qu’est la boxe. Loin des clichés, il nous montre tout comme avait su le faire le premier Rocky à son époque et Clint Eastwood il y a peu avec Million Dollar Baby, l’autre face de la boxe. Celle qui se cache derrière les hommes qui la pratiquent. Loin des idées préconçues, Ryoo Seung-wan réussit à extirper de cet univers si violent une lueur d’espoir qui donne une aura particulière à ses deux protagonistes. Au final, on se rend compte que ce n’est pas le point où les deux personnages principaux finissent le film qui est le plus important, mais tout le cheminement qu’ils ont fait pour y arriver qui compte. Cri d’amour au sport, cri d’amour à ses acteurs, Crying Fist est un putain de film humaniste qui vous remue les tripes et vous laisse sans voix à la fin de la projo. Putain j’y croyais plus !!!!
Diffusé dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes, Crying Fist sera disponible en édition deux DVD en Corée - avec sous-titres anglais - le 15 juillet prochain.




