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Japon | Rencontres

Naoto Takenaka | Masatomo | Riko Narumi | Ikki Sawamura

"Je pense effectivement qu’il y a des gens qui ne meurent jamais véritablement, et qui errent un peu partout dans le monde."

A l’annonce de la présence à Paris de Naoto Takenaka, l’acteur le plus génialement versatile du cinéma japonais contemporain (si si, croyez-nous !), doublé d’un réalisateur sensible dont Sancho a suivi la carrière depuis ses débuts (merci Kuro), venu créer le buzz autour de la sortie prochaine de sa dernière réalisation Yamagata Scream (2009), nos cœurs fragiles mus par une passion quelque peu irrationnelle pour les zombies et les écolières en uniformes se sont vite emballés...

Plus habitué aux plateaux de tournage qu’à fouler les podiums rutilants de la Fashion Week, Naoto Takenaka, accompagné de ses deux acteurs et protagonistes, la jeune Riko Narumi (Kimi ni shika kikoenai, How to Become Myself) et l’acteur de Jdorama Ikki Sawamura, étaient conviés à défiler pour le créateur Masatomo, ayant notamment assuré le design des costumes du film.

Si les collaborations entre réalisateurs et créateurs de mode ne sont pas une première, l’on pense immédiatement aux somptueux kimonos conçus par Yohji Yamamoto sur le modèle de ceux portés par les marionnettes du bunraku pour le Dolls (2002) de Kitano, l’implication de Masatomo est inédite, en tant que co-producteur du film via sa société Masamoto Dream Corporation. En effet, pour sa 18ème année de défilés, Masatomo by Rynshu élargit son univers de création en se lançant dans la production avec Yamagata Scream, comédie horrifique mélangeant samouraïs-zombies et jeunes écolières.

Après avoir assisté au défilé dans le salon feutré de l’hôtel Meurice, à travers lequel le créateur japonais nous a proposé une étonnante collection mariant l’univers des samouraïs (manches superposées, ceintures inspirées des tenues des samouraïs et constituées de quatre bandes sur l’arrière) et celui du 7ème art (vestes, smoking, fourrure, paillettes...), nous avons eu le plaisir bref de rencontrer les protagonistes de ce show parfaitement réglé, lors d’une interview zapping peu favorable à approfondir notre sujet… mais tellement sympathique !

Sancho : D’où vous est venue l’idée du film ?

Naoto Takenaka : J’ai simplement pensé que si des lycéennes se battaient avec des Samouraïs zombie ce serait intéressant et très amusant ! (rires)

Comment s’est déroulé le tournage ?

Naoto Takenaka : Sur le tournage, ce qui était plaisant, c’était d’être entouré d’acteurs que j’admire et d’avoir pu aussi improviser avec eux. Par ailleurs, ils ont été ravis de porter les costumes magnifiques de Masatomo, avec toutes ces paillettes. C’était une chance pour eux. Car dans la vie de tous les jours, les costumes du film, il vaut mieux les éviter. Ils ne sont vraiment pas évidents à porter ! (rires)

Masatomo a-t-il réalisé la totalité des costumes ?

Naoto Takenaka : Tous les costumes ne sont pas de Masatomo, mais il y a certains personnages dans le film qui ont une personnalité qui colle avec son style. Il s’agit notamment du personnage que je joue, qui est un homme un peu âgé, et un peu fou, d’un petit village. Ça collait parfaitement à l’esprit du film.

Riko Narumi et Ikki Sawamura, quel est votre rôle dans le film ?

Riko Narumi : Dans ce film, je joue le rôle d’une lycéenne à peu près normale. Toutes mes autres camarades sont un petit peu farfelues et excentriques. Dans l’histoire je suis plutôt attentive et passive, j’observe ce qui se passe. Quand j’ai reçu le scénario, je n’arrivais pas trop à imaginer ce qui allait se passer, ce à quoi ce film pouvait finalement ressembler, aussi quelque part cela m’intéressait d’en faire partie ; ne serait-ce que pour me rendre compte de mes propres yeux.

Ikki Sawamura : Je joue le rôle d’un samouraï d’un type un peu particulier. En fait celui-ci est mort d’une façon assez étrange, et il revient parmi les vivants pour retrouver celle qu’il a toujours aimée. Lorsque j’ai lu le scénario, moi non plus je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Mais sachant que c’était Monsieur Takenaka qui allait réaliser, j’étais très emballé. J’en suis très content.

Avez-vous rencontré des difficultés à devoir jouer et réaliser en même temps ?

Naoto Takenaka : C’était très amusant de faire les deux en même temps ! Le seul souci, c’était le temps, car il a fait très mauvais pendant presque tout le tournage à Yamagata. Finalement, c’était ça le plus difficile.

Croyez-vous que les âmes des samouraïs morts errent encore parmi les vivants ?

Naoto Takenaka : Je pense effectivement qu’il y a des gens qui ne meurent jamais véritablement, et qui errent un peu partout dans le monde. Ils sont là, ils sont présents, ils attendent ! (rires)

Depuis quelques années les zombies sont redevenus très populaires au cinéma, mais les films mélangeant comédie et horreur sont plus rares.

Naoto Takenaka : C’est un style qui n’existe pas vraiment au Japon. Mais grâce aux acteurs qui ont été excellents, je crois qu’il sera réussi. Le film comporte également beaucoup d’hommages à de vieux films d’horreur Hollywoodiens.

Quel est votre film d’horreur préféré ?

Naoto Takenaka : Mon préféré c’est Frankenstein (1931) de Whale, mais celui qui m’a le plus effrayé je dois dire que c’est Ring (1998).

Riko Narumi : Moi c’est Saw (2004).

Monsieur Takenaka, si l’on suit votre carrière, on s’aperçoit qu’il y a un vrai contraste entre les personnages que vous interprétez au cinéma pour d’autres réalisateurs, et qui sont en général plutôt exubérants et excentriques ; et les films que vous réalisez, plus mélancoliques et intimistes.

Naoto Takenaka : Je suis multiple et que ce soit dans les films que j’interprète ou ceux que je réalise, il y a une partie de moi-même que je livre dans chaque personnage, donc l’ensemble reflète un peu ce que je suis réellement. C’est ni tout à fait l’un, ni tout à fait l’autre.

D’où vous vient votre envie de jouer la comédie ?

Naoto Takenaka : A vrai dire, au départ, j’ai une formation d’artiste. Je suis diplômé de l’université des Beaux-Arts de Tama (Tokyo). C’est en participant à un petit film comique amateur fait avec des amis que j’ai eu le déclic. Cela a été le point de départ de ma vocation. J’aime beaucoup interpréter des rôles comiques et très extravagants.

Dans vos films, le thème de la famille revient souvent (Nowhere Man, Rendan…). Quelle est votre vision de la famille japonaise ?

Naoto Takenaka : Il y beaucoup d’incidents en ce moment dans les familles au Japon. Cela me fait peur, mais en fin de compte la seule chose à faire est de protéger sa propre famille, avant toute chose. Malheureusement c’est tout ce qu’on peut faire aujourd’hui.

Vous semblez porter une affection particulière au cinéma français, avec des références à la culture française, notamment dans Sayonara Color (2005). Qu’est-ce qui vous attire dans notre cinéma ?

Naoto Takenaka : …Leos Carax ! Jean-Jacques Beineix, Jacques Tati… j’adore ces réalisateurs français !!! (un grand sourire illuminé aux lèvres !)

Pouvez-vous nous parler de Takashi Ishii, un réalisateur qui a accompagné toute votre carrière ?

Naoto Takenaka : Tout est une question de rencontre dans ce métier, et il est vrai que j’ai un lien privilégié avec Takashi Ishii depuis mes débuts. Je sais d’ailleurs qu’il va bientôt débuter le tournage d’un nouveau film, et j’aimerais beaucoup y participer.

Ah ! c’est déjà terminé… alors merci beaucoup à tous les trois ! En espérant que nous pourrons découvrir le film prochainement en France.

Naoto Takenaka : J’espère aussi. Il sort au Japon cet été. Merci à vous.

Après une courte pause passée à faire quelques photos de l’équipe, encadrés par un management un peu rigide, nous emboîtons le pas au créateur Masatomo afin d’en savoir plus sur cette association inédite...

Comment s’est passée votre collaboration avec Monsieur Takenaka ?

Masatomo : Une fois le scénario terminé, les costumes ont été décidés presque aussitôt. En fait nous en avions parlé avec le réalisateur, mais j’avais déjà tout dessiné au moment de l’écriture du scénario. Pendant le film il y a certains personnages qui portent du Masatomo, mais pour conserver un aspect réaliste, par exemple lorsqu’il s’agit d’employés d’un supermarché ou des autorités, les acteurs portent des vêtements classiques.

Comment s’est fait le montage du projet ? Je crois qu’il s’agit d’un budget conséquent.

Masatomo : A l’origine du projet, il y a la société Masatomo Dreams que j’ai créée et qui est entrée en collaboration avec la société japonaise Sedic International. D’autres sociétés sont venues nous rejoindre par la suite. En fait ce sont 13 sociétés qui ont travaillé ensemble sur ce projet. Nous avons décidé d’en parler d’abord à Paris puis à Cannes. Nous avons un budget de 500 millions de yens pour ce film, ce qui est important pour un film Japonais.

De quelle façon travaillez-vous sur vos créations ?

Masatomo : Je réalise tous mes croquis avec un simple stylo feutre. Les dessins que l’on voit sur l’invitation avec le costume d’écolière et celui du Samouraï ont été les tous premiers croquis que j’ai dessinés pour les costumes du film. J’ai dans un premier temps travaillé sur les costumes, puis j’ai fait le casting. Créer d’abord l’image, puis le casting, et enfin les vêtements. Au début, cela se présentait un peu sous la forme d’un manga.

Quelles sont vos sources d’inspirations pour ce projet ?

Masatomo : J’aime beaucoup l’histoire japonaise et je me suis beaucoup documenté à ce sujet. C’est ce qui m’a principalement inspiré.

Le film semble s’inscrire dans la mode du revival du film de morts vivants ?

Masatomo : En fait il ne faut pas oublier qu’il y a aussi beaucoup de marketing dans ces projets. Pour qu’un film japonais marche également à l’étranger, il faut certains attributs comme le Samouraï, ou alors qu’il y ait des éléments spécifiques susceptibles de plaire à la fois au Japon et à l’international. Le but initial était donc de faire un film qui soit aussi destiné au marché international. J’aimerais qu’il plaise à tout le monde.

Pourquoi avoir choisi Yamagata ?

Masatomo : D’une part, parce que la langue est très intéressante [1] et très amusante. Cela ressemble à un petit village où il n’y a quasiment personne. Et d’autre part, en raison des infrastructures présentes pour réaliser des films historiques. Si on veut faire de vrais films en costume, il n’y a que Kyoto ou Yamagata.

Vous avez d’autres projets cinématographiques à l’avenir ?

Masatomo : C’est la première fois que je travaille sur un film. Mais ce n’est qu’un début. Un deuxième film a déjà été tourné avec des costumes Masatomo. Il s’appelle Bacteria Island. Il se déroulera dans un pays imaginaire au nord du Japon. Mais il pourra aussi évoquer un pays limitrophe bien réel, puisqu’on y trouve un dictateur qui sera interprété par Naoto Takenaka. En fait, le fils de ce dictateur essaie de rentrer au Japon, et de tuer tout le monde avec des bactéries mortelles. Ça sortira en avril au Japon. Et le troisième film qui est en préparation s’intitule Little Country. Mais ce sont des films complètement différents à chaque fois.

Remerciements à Matilde Incerti et Audrey Tazière. Photos : Guillaume Baptiste.

[1Il s’agit du Yamagata-ben, qui est un dialecte local à l’accent particulièrement prononcé, dans la préfecture de Yamagata au Japon. Il est notamment utilisé de façon caricaturale et pour son effet comique dans le film Swing Girls (2004), dans lequel Naoto Takenaka (décidément, il est partout !) incarne un truculent professeur de mathématiques.

- Article paru le mardi 3 février 2009

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