Full Metal Yakuza
Scénario de Itaru Era, d'après une histoire de Hiroki
Yamaguchi
Avec Tsuyoshi Ujiki, Tomorowo Taguchi, Shoko Nakahara, Ren Osugi
Nous n'aborderons même pas
ici la question de savoir si Takashi Miike est sain d'esprit, puisque
la réponse est, bien évidemment, non. Mais en même temps, un peu
quand même. Parce que pour réussir un film comme Full Metal Gokudo,
il faut quand même avoir un sacré sens des réalités, non? Alors
je ne vous parle pas des réalités de la vie telles qu'on l'entend
généralement, mais plutôt de ces petites réalités qui gèrent le
monde d'un fan hardcore de cinéma bisseux de qualité; celles que
le grand public a du mal à admettre à propos de lui-même - oui,
celles-là même qui lui font quitter une projection de Crash
au bout de quinze minutes, de peur d'aimer ça et d'avoir à expliquer
pourquoi…
Miike sait ce qu'on aime voir à l'écran, et il se met en quatre
pour nous le montrer. Et, surtout, ce faisant, il en profite pour
rajouter un bon paquet de choses auxquelles nous n'aurions jamais
pensé du tout! Full Metal Gokudo, relecture plutôt parodique
du Robocop (et oui, vous avez bien lu) de notre ami
Verhoeven (à quand une adaptation de Showgirls, c'est ça que
j'aimerais vraiment savoir, moi!), fonctionne très largement
sur ce principe, ultra-généreux s'il en est, d'en donner au spectateur
pour son argent. N'oublions pas que c'est un film tourné pour le
marché de la vidéo, et que ce n'est donc pas forcément tâche aisée.
Mais Miike s'affranchit de bon nombre de règles de décence pour
parvenir à ses fins. Mais là c'est confus, non? Alors je vais quand
même vous résumer un peu l'histoire…
Au début du film, on rencontre
un yakuza au (plus ou moins) dernier rang de son clan, qui surprend
son boss en pleine préparation de mission suicide. Ce dernier, conscient
de se retrouver derrière les barreaux à la fin de la journée si
tout se passe comme prévu, lui confie son portefeuille en gage de
confiance. La mission ne rate pas: sous les yeux effarés de sa petite
amie, le boss élimine un nombre impressionnant de "gokudos" ennemis,
le sabre à la main. Notre héros du début revient alors sur le devant
de la scène, et on découvre sa vie de malfrat pas particulièrement
passionnante. Plutôt impuissant (il faut le voir s'acharner avec
rage sur une femme qui pourrait aussi bien être en train de dormir),
il ne cesse de se faire humilier par son entourage. Quand son Boss
sort de prison, il porte d'ailleurs encore les marques de son passage
à tabac par des voyous prépubères. Accompagné d'autres membres du
clan, il raccompagne le maître chez lui en qualité de chauffeur.
Arrivé sur place, notre héros comprend trop tard que c'est un piège,
que leurs amis les ont trahis, et qu'ils vont mourir, tout simplement.
Ce qui arrive effectivement. Mais c'est pas grave, puisque, au plan
suivant, le héros se réveille en Robocop dans un labo vide,
s'enfuit, vole un imper tout neuf laissé là par hasard avec un vélo
qu'il s'empresse d'enfourcher, se la joue dynamo humaine sur le
vélo en question qu'il pousse à au moins 500 km/h - en tout cas
avant de percuter une voiture de face et de faire un vol plané de
200 mètres et de se retrouver dans un parc face aux jeunots qui
lui ont cassé la figure quelques jours plus tôt. Ouf! Et là, notre
ami va percuter sur sa nouvelle condition: il est fait de métal!
Du coup, il en profite pour exploser les quatre loubards. Après,
il se ballade un peu, mais il se met à pleuvoir, et un dysfonctionnement
majeur survient. Heureusement que son géniteur passe par là et le
ramène au labo…
Ca en fait des choses, non?
Et dire que ça ne résume que le premier quart d'heure du film! Dans
la suite, le héros part en guerre contre les gokudos qui l'ont trahi,
les explose tous, puis contre ses anciens amis, qu'il n'arrive pas
à éliminer (une conscience, peut-être, au fond de la machine?)
- et du coup il part en retraite dans une maison improvisée sur
la plage, le temps de faire le point et de se laisser dépérir. Tout
ça, bien sûr, avant le règlement de compte final, où ses
amis paieront, comme tous jusque là, le prix fort de la trahison!
Et tout du long, Miike se promène
allègrement et sans complexes entre effets gores réussis (têtes
coupées, langues sectionnées) et effets numériques super-cheapos
(le coup du vélo, les éclairs, les super-pouvoirs); entre l'humour
potache (voir la garde du héros contre les balles!) et le sexe hardcore
(un petit avant goût de DoA2, le côté SM en plus); entre
le touchant et le ridicule. Et, vous vous en doutez bien, ça marche!
La fin est un monument de brutalité et de… n'importe quoi. Comme
tout Full Metal Gokudo, d'ailleurs! Au niveau de la réalisation,
on est quand même loin de Bird People in China ou DoA
1 et 2, mais on sent bien que c'est parce que Miike a
choisi une approche cinématographique différente: celle du plaisir
sans concessions. S'il y a bien un monument érigé à la gloire du
n'importe quoi le plus complet, c'est ce film, magnifique, absurde,
rigolo, triste, dégueu, abject, violent,… fou,… GENIAL!