Le
couple Shinegori Takechi / Takashi Miike n'en est pas à son premier
film puisque c'est lui qui avait déjà signé la fresque yakusaAgitator. Leur nouveau film, The Man in White, ne
marque pas franchement un changement de cap, bien au contraire.
Bien que plus court d'une heure, The Man in White n'en frise
pas moins les deux heures trente et on finit par en être réduit
à jouer au jeu des sept erreurs avec Agitator, tant les deux
films sont similaires.
Similaires, ils le sont avant tout
au niveau du scénario, de Shinegori Takechi donc. Il s'agit cette
fois de l'histoire de Asuza (Masaya Kato qui comme par hasard
était déjà l'interprète de Kunihiko, le héros d'Agitator,
ce qui ne va pas sans renforcer la filiation entre les deux films),
yakusa ayant la particularité de toujours revêtir un costard
blanc. Asuza a grandi dans la rue, traumatisé par le meurtre de
son père par son grand frère et le suicide de sa mère alors qu'il
n'était encore qu'un enfant. Adopté par un chef de clan yakusa,
il n'a plus en tête que l'idée de vengeance lorsque ce dernier est
assassiné. Menant son enquête pour découvrir qui est le tueur, il
s'aperçoit qu'il s'agit de son propre frère aîné. Ce dernier va
lui faire comprendre que la réalité n'est pas aussi simple et que
les motifs derrière le meurtre de son chef sont certainement plus
compliqués qu'il n'y parait...
Outre que l'on à affaire une fois
de plus à un film de yakusa extrêmement attaché à une forme
de réalisme presque clinique dans la description du milieu, les
thèmes chers à Miike sont à nouveau bien présents. D'abord une histoire
d'amitié qui remonte à l'enfance et ensuite une absence quasi totale
de toute présence féminine. Mais même jusque dans les moindres détails
The Man in White ne semble être qu'un remake d'Agitator.
Le personnage principal, Asuza, est très similaire à Kunihiko d'Agitator;
on retrouve un couple de tueurs déjantés (en fait il y en a même
deux) et l'histoire d'amour est reléguée au second plan. Si
dans Agitator, la relation amoureuse du héros était rendue
presque irréelle par des scènes floues et surtout la présence de
l'être aimé uniquement par le biais d'un objet, cette fois la petite
amie d'Asuza apparaît bien en chair et en os. Mais en fait, elle
ne sert que d'appât pour piéger Asuza, avant que celui-ci ne la
libère et la laisse rentrer seule, pieds-nus et boitillante, pour
continuer à accomplir sa vengeance. Seule différence, la petite
note d'espoir distillée par la fin du film, pas loin d'une happy
end, toutes proportions gardées.
Le traitement appliqué à la relation
amoureuse dans Agitator est cette fois appliqué aux tractations
secrètes. Filmées de nuit, avec un grain épais, elles donnent un
véritable sens au mot underworl ". A la fois en tant que représentation
du monde des yakusa par rapport au reste de la société, mais
aussi comme représentation interne des traîtrises, coups fourrés
et autres manigances, bien loin des valeurs traditionnelles des
yakusa. Thème familier chez Miike qui aime montrer des personnages
qui ne sont certes pas des enfants de cœurs, mais qui restent les
garants d'une forme d'intégrité morale. Intégrité qui leurs aliène
leur propre clan et évidemment les clans ennemis. Reste alors seule
possible l'amitié fraternelle - qui transparaît une fois encore
dans une scène de onsen.
Si comme Agitator, The
Man in White reste avant tout une véritable histoire de yakusa
avec tout ce que cela implique en amitié, honneur, vengeance et
trahison en plus des personnages bien développés, il reste la marque
Miike qui s'imprime par un goût prononcé pour les films d'exploitation.
Outre les tueurs bien barrés et autres personnages complètement
à la masse, dont un héroïnomane, signalons des gunfights
où l'on s'arrête de comptabiliser les morts au bout du 50ème, des
scènes très violentes ou d'autres très peu réalistes. Notamment
par l'intermédiaire de Gunji, interprété par Tatsuya Fuji vu dans
le récent A Bright Future de Kyoshi Kurosawa, qui se prend
parfois pour Arnold Schwarzenegger dans Commando, le cool"
en plus.
En résumé, si The Man in White
n'est franchement pas un film désagréable ni même ennuyeux en dépit
de ses deux heures trente, il faut bien avouer que Miike et son
scénariste ne se sont pas tellement foulés. Le plaisir d'un bon
film de yakusa rondement mené avec des excellents acteurs
est certes quelque chose qui a son charme, mais quand on a vu la
même chose en version longue auparavant, il y a comme un léger sentiment
de s'être fait flouer.