You've Got a Call - One Missed Call
Scénario de Yasushi Akimoto et Minako Daira, d'après
le roman de Yasushi Akimoto
Musique de Kôji Endô
Avec Kou Shibasaki, Shinichi Tsutsumi, Kazue Fukiishi, Renji Ishibashi,
Goro Kishitani, Anna Nagata, Atsushi ida, Yutaka Matsuhige, Mariko
Tsutsui
Yumi participe passivement à une soirée " gokon
" (pour célibataires), aux côtés de son amie bavarde Yoko.
Lorsqu'elles se rendent ensemble aux toilettes, le téléphone portable
de Yoko se met à sonner. Yumi remarque qu'il annonce un appel provenant
de… Yoko elle-même. Comment peut-on recevoir un appel de son propre
portable ? Plus étrange encore, le message trouvé sur la boîte vocale
à l'issue de l'appel : celui-ci semble effectivement provenir de
Yoko, mais est daté du surlendemain et se termine par un terrifiant
hurlement de la jeune femme. Les deux amies sont quelque peu inquiétées
par cet appel ; mais la peur n'intervient réellement que deux jours
après, lorsque Yoko passe un coup de fil à Yumi et prononce les
mots du message anticipé… Yoko hurle, et " se jette " depuis un
pont sur un train qui passe. Yumi est terrifiée ; d'autant qu'à
la veillée de son amie, elle croise un groupe d'étudiantes qui semblent
connaître cette légende urbaine véhiculée par les téléphones portables.
Il semblerait même qu'une amie de Yoko ait connu le même sort quelques
jours avant elle. Et d'après les étudiantes, la prochaine victime
pourrait bien se trouver dans le répertoire du téléphone de la défunte…
C'est effectivement au tour du petit ami de Yoko
de recevoir un coup de fil de lui-même ; il décède sous les yeux
de Yumi, précipité dans la cage d'ascenceur de son lycée. C'est
alors que Yumi rencontre Hiroshi, dont la sœur est-elle même décédée
suite à un mystérieux coup de fil, six mois auparavant. Alors que
c'est au tour de la jeune Natsumi d'être menacée par son propre
avenir - et ce de façon publique, puisque devant les caméras d'une
émission de télévision ! -, Yumi et Hiroshi tentent de percer le
mystère derrière ce cercle mortel ; secret qui pourrait bien trouver
son origine dans le funeste destin de la famille Mizunuma, dont
on suspecte la mère disparue d'avoir laissé mourir l'une de ses
filles, asthmathique, et battu l'autre à répétition…
Il ne fait aucun doute que Chakushin Ari
a été produit par la Kadokawa pour rebondir une fois de plus
sur la vague Ring, déferlante qui continue de subir en Asie.
On peut d'ailleurs remarquer que ce nouveau type de films d'horreurs,
basé sur une propagation virale, connaît lui-même une évolution
par propagation et mutation. Ainsi Ring et son support vidéo
se propagent-ils un peu partout dans le monde, atterissent en Corée
où ils donnent naissance à Phone et ses coups de fils funestes,
puis reviennent au Japon où ils héritent de cette évolution, croisée
avec une autre mutation, domestique, signée Takashi Shimizu à quatre
reprises (l'universJu-On). Le résultat ? Chakushin
AriakaOne Missed Call, adaptation d'un roman
signé Yasushi Akimoto, très marquée par ses prédécesseurs et malgré
tout unique.
Si Takashi Miike délaisse quelques peu ici ses
déviances naturelles pour s'inscrire dans un cinéma nettement plus
mainstream - ce qui lui a permis pour une fois, de s'attirer
les faveurs du public japonais -, il adapte le schéma du film d'horreur
japonais contemporain à sa sauce, discrètement, pour transformer
ce qui aurait pu n'être qu'un film de douleur projetée de plus en
film d'épouvante aux nombreux niveaux de lecture.
Le premier point que Miike modifie par rapport
à ses contemporains, est le traitement de l'entité maléfique au
cœur du film. Plutôt que de jouer sur un fantôme uniquement perçu
par les victimes et dont la réalité serait constamment remise en
question, Miike expose son spectre - traditionnel yukai aux
longs cheveux noirs - aux yeux de tous, protagonistes et spectateurs.
Miike va encore plus loin en incluant une critique de la télé-réalité
- sujet décidemment universel -, qui s'applique à retransmettre
les dernières heures de la vie de Natsumi, diffusant une vidéo prémonitoire
de la mort de la jeune femme aux mains de l'esprit vengeur. Plutôt
que de faire naître la peur par incompréhension, Miike choisit donc
la rendre concrète d'entrée de jeu ; il ne s'agit plus de craindre
le comment mais de comprendre le qui et le pourquoi.
Ce qui et ce pourquoi sont donc le
véritable sujet de Chakushin Ari. Au travers du thème de
l'enfance maltraitée et de ses conséquences néfastes, le réalisateur
livre un film cohérent sur la violence infantile. Yumi elle-même
est amenée à revivre, en plus de la menace de sa propre mort, les
violences de son enfance, faite de brûlures de cigarettes et autres
abus. Le spectre de sa mère donne ainsi un sens aux agressions de
l'esprit adepte des portables, avant même de récupérer sa véritable
identité. La douleur projetée par ce spectre l'est donc à plusieurs
niveaux : sur les victimes bien entendu, par le biais de leur assassinat,
mais aussi sur Yumi, par le biais de souvenirs douloureux, ainsi
que sur la fille de Marie Mizunama, qui vit, muette, dans un orphelinat
depuis la disparition de sa mère et la mort de sa sœur.
La réalité de la " vengeance " moteur de Chakushin
Ari se décompose en plusieurs phases, Miike parvenant même à
jouer la carte du film d'action le temps d'une éprouvante poursuite
entre Yumi et sa persécutrice surnaturelle. Là encore, le
spectre multiplie les apparences mais porte toujours les germes
d'une violence réelle, propre à justifier l'implication des protagonistes.
La compréhension interviendra tout de même en trois temps, pour
mettre à jour un germe maléfique complètement distinct de ce à quoi
les films d'horreur japonais nous avaient habitués ces dernières
années. La conclusion de Chakushin Ari est presque un mouton
noir au sein de la filmographie de Miike - Fudoh
mis à part -, lui qui porte tant d'intérêt aux enfants, notre
avenir et symbôles de pureté. Le réalisateur y présente, de façon
d'autant plus brutale qu'elle est anodine et injustifiée, une victime
qui n'en est pas une, bourreau insoupçonnable. Au travers de ce
constat effrayant, Chakushin Ari s'affirme plus comme un
drame que comme un film d'horreur ; il reste en cela plus proche
de Ring que de Phone ou Ju-On, mais s'affirme
comme étant beaucoup plus ambitieux.
Amenant sur le projet bon nombre de ses collaborateurs
réguliers, des acteurs (Shinichi Tsutsumi, Goro Kishitani, Renji
Ishibashi…) à l'équipe technique (la photo est signée Hideo
Yamamoto et la musique Kôji Endô), Miike réussit son incursion
" personnalisée " dans l'univers du cinéma d'horreur mainstream
nippon, se jouant suffisamment de ses codes pour qu'on y reconnaisse
son influence. Et puis la belle Kou Shibasaki y est excellente,
nettement moins sûre d'elle qu'à son habitude, et signe en plus
la magnifique chanson du générique du film, Ikutsuka no sora.