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Japon

Versus

Japon | 2000 | Un film de Ryuhei Kitamura | Avec Kenji Matsuda, Hideo Sakaki

Il était une fois, dans nos contrées francophones, un jeune garçon d’une dizaine d’années qui se prélassait des heures durant, la bave coulant en fins filets aux extrémités de sa bouche grande ouverte, devant les photos en quadri de ses Mad Movies et autres Toxic ou Fangoria. A l’époque, ces magazines n’hésitaient pas à exhiber en pleines pages des images bien choisies de Bad Taste, n’importe quel Freddy ou Vendredi 13, Rabid Grannies, Body Melt, Street Trash... autant de films doucement évocateurs d’un monde meilleur où rigolade rime avec équarrissage, mutilations et tripes mises à l’air... L’enfant, déjà, rêvait des heures durant de ce monde alternatif où tout semblait être permis.
En parallèle débarquent les Die Hard, les films de John Woo et le cinéma de Hong Kong, mais aussi la découverte des films de sabre japonais, des Baby Cart et autres Hara-Kiri. Joueur, l’enfant, devenu adolescent gentiment prépubère au son de Sepultura, Pantera et autres métalleux des nineties, se plait à imaginer un film où le gore, les combats au sabre et les gunfights se mélangeront pour offrir aux zombies Romero-style une nouvelle jeunesse. Il lit des comics, se prend la claque Akira dans la tête en dépit de la colorisation américaine inopportune, et caresse sans cesse ce fantasme inassouvi qui, quelque part, assure la survie de ses passions.

L’adolescent grandit (si on veut), les temps changent. Le gore se démocratise version aspartame après s’être infligé la mort par le biais de ses propres excès, l’horreur quitte le grand écran, le thrash est remplacé par la fusion - mais les dés ont été jetés, et la recherche de l’idéal cinématographique continue, plus forte que jamais.
Partout dans le monde, des jeunes partagent ce même espoir. Quelque part dans l’archipel nippon, un homme s’apprête à leur faire le plus beau des cadeaux...

Bienvenue en l’an 2000. La donne est modifiée, tout le monde a les yeux tournés vers l’Asie. Takashi Miike règne en maître sur notre passion dévorante, Tsui Hark est assurément sous acide, il faut bien reconnaître que les Coréens déchirent, et notre rêve devient réalité. Il porte le doux nom de Versus, et son réalisateur, plus fou que le fils bâtard improbable de Mike Mendez et Tsui Hark, s’appelle Ruyhei Kitamura. Et avant toute chose, je tiens à lui dire merci.

Excellent. Mortel. Jouissif. Fou. Ultra méga cosmofoufounoïdal de la mort qui tue qui laisse froid et inanimé. Les expressions restent encore à inventer pour rendre à Versus tous les honneurs qu’il mérite. 400.000 dollars. Un zeste de Peter Jackson. Une bonne dose de Sam Raimi. Une pincée de John Woo, quelques extraits de Tsui Hark. Rajouter un peu de Jan Kounen, mélanger le tout avec une Steadicam et un cas aggravé de ver solitaire. Surtout ne pas laisser reposer et consommer tel quel, pendant une heure, 59 minutes et 59 secondes. N’oubliez pas de saupoudrer le tout de talent pour parfaire l’ingestion, et vous obtenez Versus, soit près de deux heures de mouvement pur, d’action non-stop, de gore craspec, de combats hallucinants, de personnages plus tarés que ceux de Shark Skin Man & Peach Hip Girl, et sans doute du défilé de poseurs le plus nonchalant jamais porté à l’écran (vous connaissez beaucoup de films où les acteurs viennent exprès prendre la pose devant la caméra ?).

L’histoire ? Bien peu de choses, en fait. Le prisonnier KSC2-303 s’est échappé de prison avec un compagnon taulard. Ils se rendent dans une forêt où un groupe de truands est supposé les aider à s’échapper. Le rendez-vous ressemble néanmoins particulièrement à un guet-apens, et la situation dérape. Un bad-guy est tué, mais, étrangement, il revient immédiatement à la vie, zombifié en moins de temps qu’il n’en faut pour applaudir des deux mains (c’est plus facile, notez). A partir de là, comme qui dirait, anything goes... et je vous laisserais le plaisir de découvrir l’intrigue (un bien grand mot, hein) par vous-même.

3 minutes et 35 secondes. C’est le temps qui sépare le carton d’ouverture du film et l’apparition du titre qui sert de générique express (c’est qu’il ne faudrait pas ralentir le flot du film, non plus). C’est aussi plus de temps qu’il n’en faut pour être calmé dix fois et savoir que l’on se trouve devant cette perle rare que l’enfant présenté en début d’article attendait depuis si longtemps (vous vous êtes peut-être reconnus ?). Un homme. Un sabre. Une poignée de zombies. Le reste fait d’ores et déjà partie de l’Histoire.
Véritable film indépendant, aussi bien par son financement que par son concept insolent, Versus a tout d’une grande, la liberté en plus. Pour l’affront scénaristique, à la limite constante de l’insulte, on pense à l’effort à huit mains de Dario Argento, Lanberto Bava et leurs potes sur la séquence de l’hélicoptère de Demons. C’est à tel point qu’aucun des personnages du film n’a de nom ! Et pourtant tout ça tient bien la route, c’est le moins que l’on puisse dire. L’action est variée, magnifiquement réalisée (surtout compte tenu des moyens du bord), old school et en même temps mise au goût du jour. Bref, ça sent les influences bien digérées et purgées du système digestif avec classe - et, surtout, énergie. Car la caméra de Kitamura ne s’arrête jamais. Je ne suis même pas sûr qu’il y ait un seul plan véritablement fixe sur toute la durée du film ! Les personnages sont mortels, la trame simple et efficace, la fin ouverte grandiose.

Je pourrais continuer encore longtemps, mais vous voyez, ça ne sert à rien de parler de Versus. Il faut le voir, le partager avec ses potes, l’encenser, lui dresser une chapelle ardente, et attendre le prochain long-métrage des responsables, Alive.
Et surtout, il faut continuer à rêver. Car Versus prouve bien que tout est possible. Dans l’incroyable Comfortably Numb, Roger Waters proclamait "The child is grown, the dream is gone". Surtout, faites comme Ryuhei Kitamura : ne lui donnez jamais raison !

Versus est disponible en DVD dans une version que je ne saurais qualifier d’officielle avec certitude, étant donné que le film n’a toujours pas connu de distribution en salles au Japon. Transfert très moyen mais plus que suffisant, son stéréo avec quelques problèmes de niveau. Pas chapitré. Pas de menu. Mais sous-titré anglais ! Bref, à vous de savoir si vous voulez faire partie de ceux qui auront vu Versus, ou des autres. A SdA, on a choisi notre camp !

Maj du 18.03.02 : Versus sort en DVD japonais le 26.04.02... sous-titres anglais compris !

- Article paru le dimanche 19 août 2001

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